Une demie-vie est nécessaire pour connaître cette expérience : visiter deux grandes rétrospectives d'un artiste dans le même lieu à plus de trente années d'intervalle.
En 1980, jeune homme, j'avais visité la grande rétrospective Salvador Dalí du Centre Pompidou, la première organisée en France.
© Centre Pompidou 1979, Œuvre reproduite: S. Dalí , La persistance de la mémoire, 1931, © Salvador Dalí, Fundació Gala-Salvador Dali / ADAGP, Paris 1979.  Dali Atelier Philippe Gentil
© Centre Pompidou 1979, Œuvre reproduite: S. Dalí , La persistance de la mémoire, 1931,
© Salvador Dalí, Fundació Gala-Salvador Dali / ADAGP, Paris 1979.
Atelier Philippe Gentil

Je conservais un souvenir fort de cette exposition, sans doute une des premières visitées en dehors du cadre scolaire, choisie et non « imposée ».
Je conserve aussi le splendide catalogue, avec sa belle reliure de tissu, édité pour l'occasion, là aussi sans doute mon premier catalogue.

Je me réjouissais donc de cette nouvelle rétrospective, toujours au Centre Pompidou, d'un artiste qui m'avait suffisamment marqué pour que je puisse faire le lien, dans un billet, entre un de ses tableaux et une photographie d'André Kertész.

Mais le temps a passé, le jeune homme est devenu un quinquagénaire, découvrant d'autres peintres.
Les retrouvailles avec le peintre catalan n'ont donc pas été à la hauteur des souvenirs.
Non pas une déception, car l'exposition vaut de supporter les « plaisirs » de la file d'attente et de la foule, mais un plaisir moins intense qu'anticipé.
La virtuosité de Dalí demeure toujours époustouflante, mais elle m'apparait parfois au service d'une entreprise commerciale dont l'artiste, surnommé « Avida Dolar » par André Breton dans une anagramme cinglante, est le grand ordonnateur.
Répétitions, autocitations tournent au principe et deviennent un peu lassantes.

Un peu comme si je revoyais un ancien amour et qu'aujourd'hui, je remarquais les petits défauts que le temps avait estompés dans ma mémoire...

Mais faisant fi de cette nostalgie amoureuse, je vous propose quelques raisons, très subjectives, d'aller, quand il en est encore temps, au 6e étage du Centre Pompidou.

La période cubiste du jeune Dalí, avec son surprenant autoportrait au visage réduit à quelques traits et cependant parfaitement identifiable.
Autoportrait cubiste, 1923 © Archivo fotográfico Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid / Joaquín Cortés / Román Lores © Salvador Dalí, Fundació Gala-Salvador Dalí / ADAGP, Paris 2012
Autoportrait cubiste, 1923
© Archivo fotográfico Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid / Joaquín Cortés / Román Lores
© Salvador Dalí, Fundació Gala-Salvador Dalí / ADAGP, Paris 2012

Pierrot jouant de la guitare (Peinture cubiste), 1925 [Pierrot tocant la guitarra (Pintura cubista)] Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid
Pierrot jouant de la guitare (Peinture cubiste), 1925
Pierrot tocant la guitarra (Pintura cubista)
Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid

Le Dalí dessinateur, dont la recette d’omelette comprend deux ingrédients présents dans nombre de ses tableaux, les surfaces molles et les objets fourchus.

IMG_0062

Chevalier de la mort - 1933
Crédit Photo : GBoGBo

IMG_0031

Omelette dynamique - 1934
Crédit Photo : GBoGBo

Les objets surréalistes, avec ce paysage dalinien sur un buste réalisé par Man Ray, artiste dada et surréaliste et figure majeure de l'histoire de la photographie.
Avec la collaboration de Man Ray Portrait de Joella Lloyd, vers 1933-1934 Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid
Avec la collaboration de Man Ray Portrait de Joella Lloyd, vers 1933-1934
Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid

Les illusions d'optique avec lesquelles le peintre désoriente et ravit notre regard.
Buste de Voltaire, 1941 [Bust of Voltaire] Salvador Dalí Museum, Saint Petersburg (Fla.))
Buste de Voltaire, 1941
Bust of Voltaire
Salvador Dalí Museum, Saint Petersburg (Fla.)

Les références aux grands maitres, ici Raphaël et une madone réinterprétée à l’ère atomique.

IMG_0173

La Madone de Raphaël à la vitesse maximum, 1954
Maximum Speed of Raphael’s Madonna
Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid
Crédit Photo : GBoGBo

Enfin, les obsessions et en particulier l'Angélus de Millet.
Cette déclinaison solaire de la figure féminine du couple de l'Angélus n'est pas sans rappeler la série de Monet sur la cathédrale de Rouen.
Aurore, midi, après-midi et crépuscule 1979
Aurore, midi, après-midi et crépuscule 1979
© Salvador Dalí, Fundació Gala-Salvador Dalí, Figueres, 2004.