Le cas est étrange, mais très intéressant.
Autant le photographe, dans ses premières années, m'apparait remarquable, autant je trouve l'homme plutôt désagréable par certains aspects de sa vie.
L’intérêt du cas réside dans le paradoxe suivant : les photographies que j'admire n'auraient certainement jamais existé sans cette vie qui me déplait.

Le petit Lartigue se fait offrir un appareil photographique par son père à l'âge de 8 ans.
Il commence alors une activité compulsive de double enregistrement de sa vie : par la photographie avec plus de 100 000 clichés (cent trente-cinq grands albums originaux de format 52 x 36 cm) et un journal de 14 423 pages !

Tous les sujets sont bons pour la chambre noire, les plus communs comme la baignade, mais Lartigue y instille un sens aigu du mouvement et du dynamisme, n’hésitant pas à enrôler famille et domesticité.
© Ministère de la Culture-France/AAJHL
Jacques Henri Lartigue
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Jacques Henri Lartigue
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Jacques Henri Lartigue
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Avec ses nombreux personnages saisis en vol, je vois en lui un précurseur primitif de la « Jumpologie » développée par Philippe Halsman dans les années 50.

Mais il est tout autant capable de faire naitre l'étrange d'une situation bien statique.
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Jacques Henri Lartigue
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La modernité de son regard s'accorde parfaitement avec ce vingtième siècle naissant, qui s'annonce celui de la vitesse, de l'automobile et de l'aviation.
Comme un bolide de course au puissant moteur, une modeste voiture à pédales s'avère photogénique et sportive.
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Jacques Henri Lartigue
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Et ne sentons-nous pas nous aussi le souffle de l'hélice contre lequel lutte l'homme au chapeau melon ?
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Jacques Henri Lartigue
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Toutes ces merveilles de photographie n'existent que par la vie de Jacques Henri, fils Henri Lartigue, 8ème fortune de France.
Une vie privilégiée, sans école durant son enfance, sans soucis matériels, pleine de femmes, jolies et nombreuses, jusqu'à sa rencontre en 1942 avec Flore Ormea qui va être sa compagne puis sa femme pour le restant de ses jours.
Avec sa manie de tout photographier et de tout consigner, l'artiste finit par apparaitre comme le spectateur passif de sa propre vie.

« Émerveillé », cela fut sans doute facile pour Jacques Henri Lartigue.
Mais ce n'est que l'avis d'un Oeil Curieux, un peu ronchon, qui préfère les photographies à l'homme qui les réalisa.