Je fréquente certains photographes avec le plus grand des respects.
Particulièrement les maîtres du N&B, comme Cartier Bresson, Willy Ronis ou encore Michael Kenna dont je viens d'admirer quelques pièces somptueuses à la Galerie Camera Obscura.
Sans doute parce que je ne maîtrise pas le N&B comme je le voudrais, j'imagine rarement, face à une de leurs images, réaliser un jour pareil cliché, atteindre la même perfection.

Et puis, il y a des photographes dont je me sens plus proche, à l'œuvre moins intimidante.
J'ai ressenti avec une grande force cette proximité en parcourant, la semaine dernière, les salles du Pavillon Populaire de Montpellier.

Je connaissais Bernard Plossu pour son « Voyage Mexicain », mythique jumeau photographique de « Sur la Route ».

Les quelque 240 tirages de « Couleurs Plossu » célèbrent l'illumination colorée, ce moment unique ou une couleur envoûte l’œil d'un photographe, lui faisant oublier le reste, le cadre, le sujet, la netteté.
Seule importe la couleur dans l'évidence de sa présence, dans son absolue nécessité.
Je retrouve cette même obsession dans les photographies de Saul Leiter.

Alors oui, je me reconnais dans cette étagère de salle de bains, avec son verre, son flacon et la brosse à dents qui composent une nature morte aux couleurs crues.
Bernard Plossu "Grenoble" 1974
Bernard Plossu "Grenoble" 1974

Je pourrais sans doute m'émerveiller devant le débordement d'un jus d'orange.
Bernard Plossu  "Le jus d'orange, Ètats-Unis, 1980"
Bernard Plossu "Le jus d'orange, Ètats-Unis, 1980"

Et même si je ne suis pas un photographe de grands espaces, j'aurais été ému par le bleu profond du désert du Nouveau Mexique.
Bernard Plossu     "White Sands, États-Unis, 1980"
Bernard Plossu "White Sands, États-Unis, 1980"

En préparant ce billet, dans un premier temps, j'ai regretté de ne pas dénicher plus de photographies couleur de Plossu pour illustrer mes propos.

Mais quand je repense aux tirages exposés, réalisés avec le procédé Fresson, je n'ai plus aucun regret.
Internet ne peut pas rendre la présence des couleurs de ce procédé quadrichromique au charbon, une présence entêtée, mais sans agressivité.

Il faudra donc aller à Montpellier pour jouir pleinement des Couleurs Plossu.
A l'occasion, passer aussi au Musée Fabre voir Signac pour revenir ivre de lumière et de couleurs.