J'avais presque oublié le pouvoir de la photographie, sa puissante révélation de l'humanité.
Samedi, après avoir visité trois étages de la MEP, j'avais le cœur chiffonné.

Andres Serrano a commencé à triturer mon cœur d'artichaut avec ses portraits.
Non pas ceux de la série « America », initiée après les attentats du 11 septembre, ni ceux de membres du Klu Klux Klan.

Klanswoman (Grand Klaliff II) Andres Serrano
Klanswoman (Grand Klaliff II) Andres Serrano

Mais d'abord avec ces portraits de sans-abri de New York, puis ceux de Bruxelles avec sa série « Denizens  of Bruxelles».

Nomads (Sir Leonard) Andres Serrano
Nomads (Sir Leonard) Andres Serrano

Omar Berradi, Denizens of Brussels series
Omar Berradi, Denizens of Brussels series
© Andres Serrano/Courtesy of the Royal Museums of Fine Arts of Belgium

Par la mise en scène de ces portraits, par leur beauté, le photographe nous fait voir des hommes et des femmes que nous ne regardons plus quand nous les croisons dans la rue.



Diana Michener, avec ses animaux tristes, m'a ensuite rappelé combien j'ai toujours peu aimé les zoos.

Diana Michener Anima Animals
Diana Michener Anima Animals

C'est anecdotique, mais je me souviens avoir écrit une dissertation au collège, dans laquelle, je disais que l'homme, jaloux de la liberté des animaux, les enfermait, et qu'en réalité, nous étions les prisonniers, mais que nous l’ignorions.
Au début, les zoos permettaient de découvrir les animaux de lointaines contrées, maintenant, alors que tout peut être vu sur internet, nous y gardons les dernières exemplaires d'espèce que nous n'avons pas encore fait disparaître de notre planète commune.
Les machines intelligentes, dont il est dit parfois qu'elles nous remplaceront, conserveront elles quelques humains en cage pour la mémoire ?

Quant à l’exposition « Family Pictures », elle pioche dans les collections de la MEP et propose des œuvres mettant en images des proches des photographes, père ou mère, enfant, ou mari et femme, comme Emmet Gowin qui a photographié Edith, sa femme, tout au long de leur vie commune, muse aimée et célébrée par des portraits amoureux à tout age.

Edith, Danville, Virginia, 1971 Emmet Gowin
Edith, Danville, Virginia, 1971 Emmet Gowin

Je n'en connais pas la raison profonde, mais je n'ai pratiquement jamais pris mes proches en photographie, ni mes parents, ni ma femme ou mes enfants.
Pourtant, je suis toujours ému quand je regarde les photographies prises par les autres, dans lesquelles je retrouve, par exemple, mes garçons aux divers âges de l'enfance.
Mais j'ai nié à mes propres photographies ce rôle de mémoire...

Aussi chiffonné soit-il, mon cœur d'artichaut ne m'a pas privé de plaisir en terminant ma visite avec les deux autres artistes proposés.

D'Harry Callahan, déjà présent dans « Family Pictures » avec Eleanor, j'ai retenu un magnifique travail sur l'ombre et la lumière, fruit de son séjour provençal, dans les années 50.

© The Estate of Harry Callahan / courtesy Pace/MacGill Gallery, New York Collection Maison Européenne de la Photographie, Paris – Don de l'auteur
© The Estate of Harry Callahan / courtesy Pace/MacGill Gallery, New York Collection
Maison Européenne de la Photographie, Paris – Don de l'auteur

Johann Rousselot, découvert dans la toujours excellente émission « Ping Pong », met enfin une dernière touche de couleurs à ce billet, avec une image de New Delhi, mégalopole effrayante et fascinante.

Zone industrielle de Ghaziabad, Delhi NRC, mars 2015. © Johann Rousselot / Signatures.
Zone industrielle de Ghaziabad, Delhi NRC, mars 2015.
© Johann Rousselot / Signatures