L'Oeil Curieux

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dimanche 21 octobre 2018

J'aime les filles de chez Mucha

J'aime les filles de chez Mucha
Si vous êtes comme ça, téléphonez-moi
Si vous êtes comme ci, téléphonez-mi

Si vous êtes comme moi, allez au musée du Luxembourg.

Mucha aimait certainement les femmes et il les dessinait merveilleusement bien.
En notre époque de #Metoo et autres #balancetonporc, il lui serait certainement reproché d'en faire des femmes-objets, de belles et vides créatures pour vendre des biscuits, des savons et du champagne.

Il les faisait même fumer, le pervers !
Alfons Mucha, "Papier à cigarette Job", 1896, lithographie en couleur, Fondation Mucha, Prague © Mucha Trust 2018
Alfons Mucha, "Papier à cigarette Job", 1896
© Mucha Trust 2018

Alfons Mucha, Automne, c.1896
Alfons Mucha, Automne, c.1896

Alfons Mucha, Zodiaque ("La Plume"), 1896–97
Alfons Mucha, Zodiaque ("La Plume"), 1896–97

Peu m'importe.
J'assume mon goût pour l'affichiste de génie.

D'autant que l'exposition du Luxembourg met en valeur un côté plus méconnu de l'artiste tchèque, fervent slavophile, avec des œuvres comme son Épopée Slave, ses travaux pour l'exposition universelle de Paris 1900 ou son appel à aider la Russie, victime de la famine.
Alfons Mucha, Russia Restituenda, 1922
Alfons Mucha, Russia Restituenda, 1922

Alfons Mucha, Souvenir de l'Exposition Universelle Paris 1900. Imprimerie F. Champenois, Paris.
Alfons Mucha, Souvenir de l'Exposition Universelle Paris 1900.
Imprimerie F. Champenois, Paris.


dimanche 22 avril 2018

Engagez-vous ! Rengagez-vous !

Qu'est-ce qu'un artiste ?
En 1979, j'avais eu 4 heures pour disserter sur cette question de l'épreuve de philosophie du Bac et finalement obtenir un 18/20 en ayant pris Sartre comme exemple.
Pour une série C, la note était élevée, j'avais aussi eu une assez bonne note en histoire géographie ( avec en histoire, un texte sur l'entrevue de Montoire entre Pétain et Hitler) et des notes médiocres (très médiocres) en maths et physique – Chimie.
Cela m'a permis d'obtenir ce que j'appelle un bac C (maintenant appelé série S) « littéraire » sous l'égide de Sartre et de Pétain.

Engagement des artistes et goût de l'histoire ont certainement fait germer le titre de ce billet, samedi 21 avril, quand j'ai su que j'allais l'écrire en liant l'exposition de la photographe Susan Meiselas, vue la semaine précédente, et celle sur les « Images en lutte » des Beaux Arts vers laquelle je me dirigeais.

Susan Meiselas pourrait être simplement qualifiée de « photographe de guerre ».
Elle en a l'étoffe.
Portrait de Susan Meiselas, Monimbo, Nicaragua Septembre 1978 © Alain Dejean Sygma
Portrait de Susan Meiselas, Monimbo, Nicaragua Septembre 1978
© Alain Dejean Sygma

Elle a ce talent de transformer une image de guerre en icône, comme son « homme au cocktail Molotov ».
Sandinistes aux portes du quartier général de la Garde nationale à Esteli : “L’homme au cocktail Molotov”, Nicaragua 16 juillet 1979 Susan Meiselas © Susan Meiselas/ Magnum Photos
Sandinistes aux portes du quartier général de la Garde nationale à Esteli
“L’homme au cocktail Molotov”, Nicaragua 16 juillet 1979
Susan Meiselas © Susan Meiselas/ Magnum Photos

Il est émouvant de retrouver ce sandiniste dans une vidéo, proclamant sa fidélité à ce mouvement politique malgré les années passées.
Il est aussi passionnant de découvrir la planche contact d'ou a été extraite cette image.

Elle a aussi ce talent de suggérer la violence d'une situation.
Soldats fouillant la passagers du bus sur l’autoroute Nord, El Salvador 1980 Susan Meiselas © Susan Meiselas/ Magnum Photos
Soldats fouillant la passagers du bus sur l’autoroute Nord, El Salvador 1980
Susan Meiselas © Susan Meiselas/ Magnum Photos

Mais elle est bien plus qu'une photographe de guerre, avec une approche documentaire présente depuis ses premiers travaux (44 Irving Street  (1971), portraits des autres locataires de sa résidence d'étudiante ou Prince Street Girls  (1975-1990) série sur l'évolution des vies de groupes de jeunes femmes de son quartier de Little Italy à New York).
Son travail sur les Kurdes est d'une force poignante et reste, avec l'histoire qui bégaye atrocement, d'une triste actualité.
Veuve sur le charnier de Koreme, nord de l'Irak 1992 Susan Meiselas © Susan Meiselas/Magnum Photos
Veuve sur le charnier de Koreme, nord de l'Irak 1992
Susan Meiselas © Susan Meiselas/Magnum Photos





Une belle artiste engagée.


De l'engagement et de l'histoire, je pensais que j'en serais rassasié quai Malaquais.

Je n'ai pas été déçu !
1968 – 1974 a été une époque de luttes d'une incroyable richesse.

L'exposition commence bien évidemment par Mai 68.
Affiche sérigraphiée de l’Atelier Populaire, Beaux Arts de Paris
Affiche sérigraphiée de l’Atelier Populaire, Beaux Arts de Paris



C'est un pur régal, vestiges d'une époque sans internet, avec l'ORTF et ses deux chaînes, étroitement contrôlées par l'État, pour la diffusion des images.


La réactivité était pourtant présente, avec des affiches imprimées pour être diffusées et collées dans les journées suivantes et l'utilisation de photographies d'actualité pour créer de nouvelles images.


Daniel Cohn-Bendit face à un CRS. Photo : Jacques Haillot
Cohn-Bendit face à un CRS. Photo : Jacques Haillot

Le joli mois de Mai n'était qu'un début (Continuons le combat !) et les salles des Beaux Arts sont imprégnées de la Guerre du Vietnam, de la dictature chilienne, des grèves, des luttes pour les territoires (le Larzac, ZAD avant l’heure), du féminisme, des luttes pour les droits des homosexuelles et homosexuels , des travailleurs étrangers et des migrants, des premiers combats écologiques.
Gilles Aillaud, Vietnam, La bataille du riz, 1968
Gilles Aillaud, Vietnam, La bataille du riz, 1968

L'armée hors du Larzac  Bibliothèque municipale de Lyon AffP0208
L'armée hors du Larzac
Bibliothèque municipale de Lyon (AffP0208)



Les artistes n'hésitaient pas à prendre partie, parfois avec violence, tel Julio le Parc qui propose de cibler l'impérialiste, le capitaliste, le militaire, l'intellectuel neutre, le policier et l'indifferent.
Julio le Parc, Jeux Enquête - Choisissez vos Ennemis (1970)
Julio le Parc, Jeux Enquête - Choisissez vos Ennemis (1970)

En fait, beaucoup de problématiques encore d'actualité.

En 1974, j'avais 13 ans, et de mai 68, je n'ai aucun souvenir.
Pourtant, cette époque est très importante dans ma représentation du monde.
Au-delà d'une période de luttes, elle m'apparaît d'abord comme une volonté d'engagement collectif, d'une croyance à un avenir meilleur, à construire ensemble.

Ce n'est pas qu'une exposition sur un passé révolu.


...
Il n'est pas de sauveur suprême
Ni Dieu, ni César, ni Tribun,
Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes
Décrétons le salut commun.
...
L'internationale


dimanche 18 février 2018

L'Oeil est moderne

Oui, l'Oeil Curieux est moderne quand il rédige ses billets sur son Mac, des billets lardés de liens hypertextes vers les sites des musées, des expositions et autres ressources de la toile.

Non, l'Oeil Curieux n'est pas moderne quand il ne photographie ni les œuvres, ni les cartels avec son smartphone dernier cri, préférant noter dans son petit bloc Rhodia n°11 (format 7.4 x 10.5 cm) le nom de l'artiste et de l'oeuvre, qui alimenteront peut être le billet du jour.

Mais oui, l'Oeil Curieux est moderne puisqu'il revient de la Fondation Louis Vuitton et qu'il a savouré « Être moderne : Le MOMA à Paris ».

Le MOMA est à Paris, le MOMA est dans mon petit bloc Rhodia, et en le feuilletant, je vais partager un petit peu du MOMA sur mon blog.
Huit peintures ou affiches parmi les 200 pièces proposées, c'est un tout petit peu, quelques lignes parmi celles griffonnées sur les carreaux 5x5 de trois pages, un choix devant le clavier parmi le choix déjà exercé durant la visite.

En écrivant mon texte, alors que je regarde les images déjà présentes dans le billet, je trouve des liens auxquels je n'ai pas songé quand j'étais dans l'émotion de la découverte.

Félix Fénéon était un marchand d'art et ami de Signac, mais avec l'effet hypnotique des couleurs et des formes, il semble être un magicien faisant surgir une fleur dans sa main.
Paul Signac Opus 217. Against the Enamel of a Background Rhythmic with Beats and Angles, Tones, and Tints, Portrait of M. Félix Fénéon in 1890 1890 © 2018 Artists Rights Society (ARS), New York / ADAGP, Paris
Paul Signac Opus 217. Against the Enamel of a Background Rhythmic with Beats and Angles, Tones, and Tints, Portrait of M. Félix Fénéon in 1890 1890
© 2018 Artists Rights Society (ARS), New York / ADAGP, Paris

Avec Boccioni et son triptyque « State of Mind », nous sommes plongés dans le bruit et la fureur d'une gare, avec la locomotive qui crache sa vapeur et enveloppe les passagers pressés.
Umberto Boccioni States of Mind I: The Farewells 1911
Umberto Boccioni States of Mind I: The Farewells 1911

Comme je n'avais pas écrit de billet sur l'exposition « Mondrian / De Stijl » du Centre Pompidou en 2011, je glisse une composition en Blanc, Noir et Rouge.
Comme pour beaucoup de photographes, Mondrian vient naturellement à mon esprit quand des lignes droites et des couleurs apparaissent dans le viseur.
Piet Mondrian Composition in White, Black, and Red Paris 1936
Piet Mondrian Composition in White, Black, and Red Paris 1936

Rarement grossesse a été aussi sublime que dans l'Espoir de Klimt.
La richesse du tissu qui enveloppe la femme, les courbes pleines de sa poitrine dénudée, sa tête qui se penche sur son ventre rebondi et l'écho des trois autres femmes dans une attitude identique, tout participe à une image infiniment émouvante et paisible.
Gustav Klimt Hope, II 1907-08
Gustav Klimt Hope, II 1907-08

Comme en réponse à Klimt, une silhouette de femme protège son enfant dans l'affiche réclamant l'évacuation de Madrid.
Le travail d'Antonio Cañavate Gómez est remarquable dans la géométrie, le rythme ternaire et l'économie de couleurs, propre aux affichistes de l'époque.
Antonio Cañavate Gómez Evacuad Madrid (Evacuate Madrid) 1937
Antonio Cañavate Gómez Evacuad Madrid (Evacuate Madrid) 1937

Newman répond quelque part à Mondrian, mais la ligne devient colorée et unique, fendant la surface monochrome du tableau.
Barnett Newman Onement III 1949 © 2018 Barnett Newman Foundation/Artists Rights Society (ARS), New York
Barnett Newman Onement III 1949
© 2018 Barnett Newman Foundation/Artists Rights Society (ARS), New York

Comme pour marquer la fin d'un voyage, il se trouve que j'ai choisi deux cartes, revisitées par Jasper Johns et Juan Downey.

Les USA de Johns sont à la fois reconnaissables et méconnaissables.

Cette carte nous est indubitablement connue, ainsi que la découpe des états, et pourtant il nous faut à nouveau la scruter pour la découvrir au-delà des débordements de couleurs et de l’effacement des légendes.
Jasper Johns Map 1961© 2018 Jasper Johns / Licensed by VAGA, New York
Jasper Johns Map 1961
© 2018 Jasper Johns / Licensed by VAGA, New York

Quant à l’Amérique Latine de Juan Downey, elle devient un seul et même continent, sans états ni frontières, uni dans un tourbillon de couleurs.
Juan Downey Map of America 1975 © 2018 Juan Downey / Artists Rights Society (ARS), New York
Juan Downey Map of America 1975
© 2018 Juan Downey / Artists Rights Society (ARS), New York

Cerise musicale sur le gâteau graphique de ce MOMA à Paris, au dernier étage de l'exposition, je ne doute pas que vous serez émus jusqu'aux larmes en vous immergeant dans l'installation de Janet Cardiff pour le Motet à quarante voix.


Chacune des voix est restituée par un haut-parleur, et le visiteur peut ainsi écouter un chanteur, basse, baryton, alto, ténor ou enfant soprano au plus proche de la voix ou s'éloigner pour apprécier l'ensemble choral.
Pure magie que cette déambulation à choeur ouvert.