En France, un 11 novembre, le regard se porte sur les monuments aux morts et les anciens combattants, avec leurs drapeaux et leurs médailles.

Au BAL, ce 11 novembre 2011, j'ai partagé des regards froids et cliniques sur les guerres d'hier et d'aujourd'hui.

Les œuvres présentées dans l'exposition "Topographies de la guerre" ne montrent de la guerre ni les combats, ni les corps meurtris, ni la mort.

Ces œuvres montrent de la guerre les empreintes, les sédiments et les artéfacts.
Avec, en filigrane, le cout humain, évoqué avec une grande puissance.

Ici, ce sont les stigmates de la Guerre de 14-18 qui apparaissent dans les paysages sereins de Paolo de Pietri.

Paola De Pietri, Pal Piccolo, 2009, série To Face © Paola De Pietri
Paola De Pietri, Pal Piccolo, 2009
série To Face © Paola De Pietri

là, ce sont les matérialisations presque invisibles de sites militaires abandonnés, en Angola, que photographie Jo Ractliffe.

Jo Ractliffe, SAM missile bunkers, Cuban base, Namibe, 2010. Série “As Terras do Fim do Mundo.” © Jo Ractliffe.
SAM missile bunkers, Base Cubaine , Namibie, Angola, 2010.
Série “As Terras do Fim do Mundo.” © Jo Ractliffe.

Enfin, ce sont les vues aériennes du désert jordanien, dans la vidéo hypnotique de Jananne Al-Ani.
Les sites apparaissent les uns après les autres comme pour être bombardés, sans que leur nature militaire ou non soit évidente pour le spectateur-voyeur.

Jananne Al-Ani, Photographie extraite de la vidéo "Shadow Sites II", 2011
Jananne Al-Ani, Photographie extraite de la vidéo "Shadow Sites II", 2011

Le regard porté sur la guerre change avec l’installation vidéo Serious Game 4, a sun with no shadow de Harun Farocki
Un jeu vidéo pour préparer les soldats américains à la guerre en Afghanistan, un autre jeu pour aider les vétérans de cette même guerre à gérer les syndromes de stress post-traumatique à leur retour, deux univers virtuels basés sur les mêmes technologies.
Mais comme le jeu pour "guérir" doit être moins cher, le soleil n'y projette pas d'ombre !

Prédécesseurs des univers virtuels informatiques, les camps d'entrainement reconstituent les futurs terrains d'engagement afin de mieux préparer les combattants.
La photographe An-My lê a documenté le camp californien de "29 Palms", qui représente le théâtre d'opération irakien pour les Marines.
Même les graffitis ne sont pas oubliés....

Security and Stability Operations, Graffiti - Série 29 Palms © An-My Lê
Security and Stability Operations, Graffiti - Série 29 Palms © An-My Lê

Un carte apparait avec des maisons, des routes, des points de contrôle, dessinée à la main, alors qu'une voix raconte l'histoire de cette géographie.
Quatre témoignages des habitants du Camp Aïda de Bethléem, qui racontent à Till Roeskens leur quotidien et décrivent comment ils doivent composer avec une cartographie de leurs déplacements, imposée par l'armée israélienne.

A voir sur Vidéocartographies

A Beyrouth, les habitants avaient l'habitude d'aller chercher les balles et les éclats d'obus dans les murs, les voitures et les arbres après les combats ou les bombardements.
Walid Raad, lui, a photographié les lieux ou il récupérait les balles et ajouté, comme des annotations médico légales, des pastilles aux couleurs des pointes des munitions récupérées, et aux diamètres de ces munitions.

Beyrouth, Walid Raad
Beyrouth, Walid Raad

En Afghanistan, les postes avancés reproduisent une architecture de surveillance, déclinée à l'envi depuis de nombreux conflits.
Les sites photographiés par Donovan Wylie récitent une litanie de points hauts, de sacs de sable et d'antennes de communication, souvent répétée sur des lieux déjà utilisés, pour leur situation stratégique, durant des guerres plus anciennes.

OP3. Forward Operating Base, Ma'sum Ghar. Kandahar Province© Donovan Wylie/Magnum
OP3. Forward Operating Base, Ma'sum Ghar.
Province de Kandahar© Donovan Wylie/Magnum

Un mur, couvert de photographies de Luc Delahaye, photographies de plafonds crevés, photographies de soldats israéliens détruisant des murs à la masse, photographies mêlées aux écrits d'Eyal Weisman, telle se présente l'installation "The space of this room is your interpretation".
Inspiré de l'ouvrage "à travers les murs" de Weisman, cette œuvre évoque comment l'armée israélienne déploie des stratégies innovantes, passant littéralement à travers les murs des demeures palestiniennes pour progresser dans les villes.
A lire, en anglais, cet article d'Eyal Weisman : l'Art de la Guerre.

Enfin, comme ultime illustration de la déréalisation de la guerre contemporaine, amorcée par les vidéos accompagnant les conférences de presse du Général Schwarzkopf durant la première guerre du Golfe en 1991, il y a cette édifiante vidéo, révélée par Wikileaks, d'une bavure de l'Armée Américaine en Irak en 2010.
La froideur des communications, le sentiment que les pilotes de l’hélicoptère Apache sont dans un jeu vidéo et non pas en train de mitrailler de vraies personnes, illustrent avec éloquence comment la technicité des armées modernes peut déshumaniser le comportement des soldats.