J'ai la certitude que Benzaiten, déesse du savoir, de l'art et de la beauté, de l'éloquence, de la musique, de la littérature, des arts (et accessoirement des sciences, de la vertu et de la sagesse, de la prospérité et de la longévité), a organisé, spécialement pour l'Oeil Curieux, un « été japonais ».

Seule une intervention divine peut expliquer cette conjonction, à Paris et à Angoulême, d'expositions sur des thèmes aussi variés que le Kabuki, les mangas et la laque, associant la peinture, le dessin et la photographie.

Comme Benzaiten appartient à la bien connue bande des « Sept divinités du bonheur », bande côtoyée par mon plus jeune fils, actuellement au Japon, je la soupçonne de m'avoir adressé ainsi un clin d’œil de l'empire du Soleil Levant !

Vous souhaitez connaître un programme culturel estival concocté par une divinité ?
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Entrée en matière avec les arts traditionnels et le Kabuki, grâce à la somptueuse exposition de la fondation Pierre Bergé - Yves St Laurent.



Les costumes de scène de ce théâtre très codifié, ou des acteurs masculins occupent aussi les rôles féminins, sont de véritables œuvres d'art, aux étoffes richement décorées.

Manteau court (haori) et kimono (kitsuke) avec motif de pins sous la neige. Japon, 1940s ©Shochiku Costume Co, Ltd, Tokyo
Manteau court (haori) et kimono (kitsuke)
Décor de pins sous la neige.
Japon, années 1940
© Shochiku Costume Co, Ltd, Tokyo

Manteau court (haori) et kimono (kitsuke)  à décor de poulpe et de coquillages Japon,années 1980 ©Shôchiku Costume Co, Ltd, Tokyo
Manteau court (haori) et kimono (kitsuke)
Décor de poulpe et de coquillages.
Japon,années 1980
© Shôchiku Costume Co, Ltd, Tokyo

J'ai été séduit par ce décor de poulpe, animal que j'affectionne particulièrement.

Hokusaï, Le Rêve de la femme du pêcheur
Hokusaï, Le Rêve de la femme du pêcheur

Animal que j'affectionne même avec gourmandise !

Nigiri Sushi au Poulpe (Tako)
Nigiri Sushi au poulpe (tako)


Takoyaki by yomi955

Takoyaki, spécialité d'Osaka au poulpe

Mais je m'égare, je m'égare ! (C'est le danger d’écrire un billet à l’heure du repas...).

Véritable cadeau des dieux, enfin d'une déesse, l'exposition du musée Cernuschi sur les oeuvres de Shibata Zeshin m'a ensuite délecté.
« Rèves de laque », les Inrõ, boites à compartiments, les écritoires, les boites à encens révèlent la maitrise de l'artiste-artisan laqueur, avec des décors raffinés et un rendu des matières et textures stupéfiant de réalisme.

Inros, Collection Catherine et Thomas Edson, San Antonio Museum of Arts © San Antonio Museum of Art, photo Douglas Chew Ho
De gauche à droite

Inro à décor de chasse aux lucioles, laque sur bois
Bouton (ojime) en métal reproduisant un faisceau de troncs de bambou
Contrepoids (netsuke) en forme de boite laquée à décor en laque colorée

Inro à décor de fantôme apparaissant derrière une moustiquaire, laque sur bois
Bouton (ojime) en ivoire en forme de crâne
Contrepoids (netsuke) en laque décoré de dieux et démons

Inro à décor de baton d'encre et d'encens, laque sur bois
Bouton (ojime) en perle de corail
Contrepoids (netsuke) en ivoire en forme d'aigle

Collection Catherine et Thomas Edson, San Antonio Museum of Arts
© San Antonio Museum of Art, photo Douglas Chew Ho

La même perfection habite cette improbable vision d'un rapace et de son reflet dans l'onde d'une cascade.

Faucon se mirant dans une cascade, Collection Catherine et Thomas Edson, San Antonio Museum of Art Ó San Antonio Museum of Art/ photo Peggy Tenison,
Faucon se mirant dans une cascade
Paire de rouleaux verticaux
Encre et couleurs légères sur soie
Collection Catherine et Thomas Edson, San Antonio Museum of Art
© San Antonio Museum of Art/ photo Peggy Tenison

Pour prolonger le rêve, j'ai emporté le superbe catalogue en quittant le musée...

Bien informée de mes passions, la déesse m'a fait découvrir Yutaka Takanashi, une des figures importantes de la photographie nippone d'après-guerre, à la Fondation Cartier Bresson.
D'abord photographe de l'invisible, avec ses clichés au Noir et Blanc poétique, Takanashi bascule, quelques années plus tard, dans une exploration du temps suspendu, avec les couleurs des bars du quartier Golden-gai de Tokyo et sa série Machi (la ville), ses vieilles ruelles et ses intérieurs.

© Yutaka Takanashi, Machi, 1975, Galerie Priska Pasquer, Cologne
© Yutaka Takanashi, Machi, 1975
Galerie Priska Pasquer, Cologne

Yutaka Takanashi, Gare de Tokyo, quartier de Chiyoda, 1965 (c) Yutaka Takanashi / Courtesy Galerie Priska Pasquer, Cologne
Yutaka Takanashi, Gare de Tokyo, quartier de Chiyoda, 1965
(c) Yutaka Takanashi / Courtesy Galerie Priska Pasquer, Cologne

En Charente, m'attendait « Mangapolis : un été japonais », un ensemble de six expositions proposées par la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image d'Angoulême : « La ville japonaise contemporaine dans le manga », « Dreamland, manfra des merveilles » « Tatsumi, de la planche à l’écran », « Haïku », « Portraits japonais, photographies de Nicolas Guérin » et enfin « Taniguchi Jirô, éloge du détour ».

Les planches de Taniguchi m'ont replongé, avec grand plaisir, dans l'univers de cet auteur, fait des petits émerveillements de la nature, de la richesse des relations humaines ou du plaisir de se perdre dans la ville.

Jirô Taniguchi, L'Homme qui marche, Casterman
Jirô Taniguchi, L'Homme qui marche, Casterman

Nous incitant bien souvent à l'introspection, ce remarquable auteur, au graphisme empreint d'une grande quiétude, réussit aussi à nous faire ressentir avec une rare intensité les plaisirs de la table d'un gourmet, autre marcheur solitaire.

Jirô Taniguchi, Le gourmet solitaire, Casterman
Jirô Taniguchi, Le gourmet solitaire, Casterman

Personnellement, une envie de restaurant japonais m'envahit après chaque lecture du « Gourmet Solitaire » !

Pour terminer sur une ultime pirouette, mangas et photographie ont fusionné à la Maison Européenne de la Photographie, avec d'étonnants portraits réalisés par Anderson & Low.
Dans « Manga Dreams », la réalité glisse vers l'univers graphique des mangas et de l'Anime.

Anderson & Low, Untitled (The Sunset Duel)
Anderson & Low, Untitled (The Sunset Duel)

Anderson & Low, Untitled (Forest Defender)
Anderson & Low, Untitled (Forest Defender)

Alors, plutôt réussi ce divin programme culturel, non ?