Pour la première fois, je me suis rendu compte que certaines formes d'art devraient être consommées avec modération.
Une semaine après l'exposition du Museum of Everything, j'ai traversé les Alpes (enfin virtuellement) pour me frotter aux Bandits de l'Art de la Halle St Pierre.
Je suis ressorti de l'exposition avec une impression mitigée, teintée d'une légère déception.

L'Art Brut est gonflé d'une telle puissance qu'il m'épuise autant qu'il me ravit.
Souvent obsessionnel, répétitif, dérangeant, il suinte d'une humanité qui m'effraie.
Alors, enchainer ces deux expositions a pesé dans mon plaisir.

D'autant que, plus ou moins inconsciemment, je m'attendais à revivre le choc de ma précédente visite à la Halle, l'éblouissement de «Hey ! Modern Art & Pop Culture ».
Attente déplacée et bien stupide pour aborder une visite dans de mauvaises dispositions !
J'avais donc rassemblé tous les éléments pour gâter ma rencontre avec les artistes italiens qui m'attendaient sur les flancs de la Butte.

Ce qui ne m’empêche pas de vous faire un petit billet pour Noël, avec quelques jolies découvertes.

Les créatures fantastiques de Rosario Lattuca sont de splendides dragons et autres chimères , magnifiquement réalisés avec leurs écailles de bois.
Rosario LATTUCA, Grisauro, 1985 © Halle Saint Pierre
Rosario Lattuca, Grisauro, 1985
© Halle Saint Pierre

Troublant Nouveau Monde, accumulation d'os sculptés, dans lequel s'est enfui l'esprit de Francesco Toris après avoir appris que sa fiancée était enceinte.
Francesco Toris, Le Nouveau Monde, 1899-1905. © Halle saint Pierre
Francesco Toris, Le Nouveau Monde, 1899-1905.
© Halle saint Pierre

Giovanni Podestà dénonçait le matérialisme de son siècle en décorant l'intérieur de son petit appartement, meubles et objets, de scènes d'inspiration religieuses.
Son Christ en Croix, avec lequel il accompagnait les enterrements, est un bel exemple de son art coloré.
Giovanni Podestà
Giovanni Podestà

Le monde de Carlo Zinelli, schizophrène, est un monde de répétitions (il était obsédé par le nombre 4) aux étranges profils humains.
Bouteilles jaunes et petits prêtres (1960). Carlo Zinelli
Carlo Zinelli. Bouteilles jaunes et petits prêtres (1960).

Federico Saraceni rédigeait d'obscurs concepts de philosophie et de morale, ornementés de formes colorées.
Ses créations sont d’improbables calligraphies arabisantes.
Federico Saraceni 1898
Federico Saraceni 1898

Manuela Sagona, qui fréquente l'Atelier Blu Camello, qui aide les malades psychiatriques à développer leurs talents artistiques, nous offre son affiche du film « Diamants sur canapé ».
Manuela Sagona - 40 X 41 cm - crayons de couleur sur papier - Collections ateliers Blu Camello - entre 2006 et 2011
Manuela Sagona - entre 2006 et 2011
Collections ateliers Blu Camello

Interné durant 40 ans, Franco Bellucci, maintenant hébergé dans une structure ouverte depuis la fermeture des asiles en Italie, réalise d'inquiétants jouets, assemblages hétéroclites enserrés dans des tuyaux ou câbles soigneusement noués.
Franco Bellucci
Franco Bellucci

Les pierres usées par les flots de l'Adige sont autant de joyaux pour Luigi Lineri, qui les assemble en compositions magnifiant la similitude des formes.
Luigi Lineri
Luigi Lineri

Répétition encore, avec cette feuille recouverte de véhicules par Marco Raugei.
Ses psalmodies graphiques ne vous font-elles pas penser à certaines œuvres de Warhol ?
Marco Raugei
Marco Raugei

Gare donc à l'abus d'Art Brut et bien espacer les prises pour ne pas ressentir d'effets secondaires !