Marcel Storr pensait certainement à lui en ces termes, lui l'analphabète, devenu sourd des mauvais traitements de son enfance, simple cantonnier des parcs et jardins de la ville de Paris.
Ne disait il pas "Quand Paris sera détruit par la bombe atomique, le Président des Etats-Unis viendra me voir et on pourra reconstruire avec mes dessins" ?

Ses mondes, il les bâtissait sur la table de sa cuisine, sur du Papier Canson, avec son crayon à la pointe si bien taillée, qu'il gravait pratiquement les feuilles.

Au début étaient les églises. C'était avant la Guerre, dans les années 30.
Classiques, mais déjà foisonnantes de détails, aux briques minutieusement dessinées, ces maisons de Dieu lui rappelaient elles les bonne sœurs qui l’accueillirent en Alsace ?

Eglise / Church Eglise / Church Eglise / Church Eglise / Church



Dans les années 50, les églises deviennent Tours de Babel, flèches de cathédrales démesurées s’élançant dans des ciels délicatement nuageux.

Tour / Tower



1964 est l'année de son mariage, de son embauche par la ville de Paris et marque aussi son retour vers les églises.
Mais les finalement sages bâtisses d'avant guerre deviennent luxuriantes.
Les teintes sont automnales et les dessins révèlent déjà les architectures délirantes à venir.

Eglise / Church



Alors que poussent, à la Défense, les premières tours du quartier, Marcel Storr, qui les voit s'élever depuis son lieu de travail, le Bois de Boulogne, va construire ses villes imaginaires, ses ultimes créations.
Plus d'églises, mais des constructions titanesques aux allures de temples birmans ou hindous.

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Les tours sont encore plus massives et oppressantes, la maitrise très imparfaite de la perspective accentuant leur aspect menaçant.

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Un monstrueux Capitole, aux multiples dômes, semble même attendre une improbable assemblée de parlementaires.

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Quelques dessins inachevés révèlent le processus créatif de ce singulier bâtisseur : sans croquis préalable, les motifs se répandent depuis le coin de la feuille, au fur et à mesure que Marcel Storr imagine sa cité, avec ses tours, ses ponts et sa végétation.

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Marcel Storr est mort en 1976, mais encore aujourd’hui les tours s'élèvent toujours plus haut dans le ciel...comme dans ses visions.