L'Oeil Curieux

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Tag - Musée Guimet

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dimanche 13 juin 2021

Un autre usage du monde

J'ai beaucoup pensé à Nicolas Bouvier en partageant les histoires possibles de Marc Riboud.

Le flâneur photographe français a en effet traversé les mêmes pays que le voyageur écrivain suisse, et aussi un peu photographe, dans les années 1950.

Ils avaient ce regard acéré sur le monde, cette faculté à saisir l'essence de la vie.

Je ne sais pas si Bouvier a transité par la passe de Khyber, mais je n'aurais pas été surpris de voir sa Fiat 500 Topolino emprunter la voie de gauche.
Marc Riboud, Khyber Pass, Afghanistan, 1956 ©marcriboud
Marc Riboud, Khyber Pass, Afghanistan, 1956
©marcriboud

J'ai beaucoup aimé la rigueur de la composition, ce sens poussé à ll perfection de la géométrie.
Une géométrie que n'enferme pas la poésie, mais lui offre un délicat branchage pour bourgeonner et fleurir.

Le peintre de la Tour Eiffel semble échappé d'un film muet de Buster Keaton.
Marc Riboud, Paris, 1953. ©marcriboud
Marc Riboud, Paris, 1953.
©marcriboud

Et l'ouvrier de la centrale turque pourrait très bien être un acrobate du Cirque du Soleil.
Marc Riboud,Turquie, 1955. Chantier de construction de la centrale hydroélectrique du barrage de Seyhan. ©marcriboud
Marc Riboud,Turquie, 1955.
Chantier de construction de la centrale hydroélectrique du barrage de Seyhan.
©marcriboud

Géométrie encore, avec ces saynètes naturellement encadrées par les fenêtres d'un magasin d'antiquités.
Marc Riboud, Fenêtres d'antiquaire, Liulichang, Pékin, 1965 ©marcriboud
Marc Riboud, Liulichang, Pékin, 1965
Fenêtres d'antiquaire
©marcriboud

La Chine de Marc Riboud est certainement une de ses destinations les plus connues.

Il y a immortalisé le Grand Timonier en train de guider les fumées populaires d'une usine sur le glorieux chemin de l'industrie communiste triomphante.
Marc Riboud, Statue de Mao Zedong à Wuhan, 1971 ©marcriboud
Marc Riboud, Statue de Mao Zedong à Wuhan, 1971
©marcriboud

En reportage dans l’Angleterre riche et pauvre pour le magazine Picture Post, il nous rappelle l'ironie parfois cruelle des noms de rues.
Marc Riboud, Leeds, 1954 ©marcriboud
Marc Riboud, Leeds, 1954
©marcriboud

Et en Turquie, il immortalise un porteur qui optimise sérieusement son déplacement,
Marc Riboud, Bursa, Anatolie, 1955 ©marcriboud
Marc Riboud, Bursa, Anatolie, 1955
©marcriboud

Dans leur dernier voyage, je suis certain que Marc Riboud et Nicolas Bouvier font la route ensemble.


dimanche 27 septembre 2020

La recette parfaite

Comme toute bonne recette, il faut d'abord des ingrédients de premier choix  :
3776 m d'une belle montagne, à la forme géométrique très pure,
de la neige fraîche à volonté,
du papier japonais pour estampe,
de beaux paysages variés,
quelques pincées de mica et de poudre d'or,
du bleu de Prusse,
des encres de couleurs.

Pour sublimer ces beaux produits, il faut ensuite une belle brigade, avec des chefs au sommet de leur art, de l'époque Edo comme Hiroshige, Hokusai ou plus moderne, perpétuant la tradition comme Hasui, à l'ère Showa, et oeuvrant dans l'ombre, mais tout aussi importants les graveurs et les éditeurs.

Vous obtenez alors les estampes les plus remarquables célébrant la montagne sacrée de l'Empire du Soleil levant, le Fuji San et aussi les hivers rigoureux de l'archipel nippon.

Incontournable dans ses représentations du Fuji San, Hokusai nous surprend avec cette impression originelle, en bleu, de la célèbre vue dite « Fuji rouge ».
Katsushika Hokusai, Vent frais par matin clair, 1851
Katsushika Hokusai, Vent frais par matin clair, 1851
Série des Trente-Six vues du Mt Fuji

Autre surprise, un Mt Fuji habillement représenté sur du tissu, dans une estampe très chaste de Koryusai, dont les oeuvres portent plus souvent sur le mont de Vénus...
Isoda Koryusai, Une courtisane de la maison Asahimaruya, 1775-1781
Isoda Koryusai, Une courtisane de la maison Asahimaruya, 1775-1781
Série Présentation des nouveaux motifs à la mode

Pour les rigueurs hivernales, les artistes japonais réussissent comme par magie à nous faire entendre ce silence blanc qui étouffe les rumeurs de la vie, alors qu'une nuée de flocons ponctue les cieux.
Utagawa Hiroshige, Oi Les Soixante-neuf Stations du Kiso Kaidō, 1834-1842
Utagawa Hiroshige, Oi, 1834-1842
Série Les Soixante-neuf Stations du Kisokaidō

Kawase Hasui, Neige à Sekiguchi, 1932
Kawase Hasui, Neige à Sekiguchi, 1932

Kawase Hasui, Neige sur le temple Zojoji, 1953
Kawase Hasui, Neige sur le temple Zojoji, 1953



dimanche 3 septembre 2017

Sur une grande vague vers la tête de Bouddha

L'Oeil Curieux, après un stage de surf sur la cote basque, a-t-il eu l'illumination et est-il devenu bouddhiste ?
Du tout, du tout.
Ce titre énigmatique est né au musée Guimet, et voici sa genèse.

La Grande Vague est celle de Katsushika Hokusai, « La Grande Vague de Kanagawa », certainement une des estampes les plus connues.
Parce que j'aime bien contrarier mes lecteurs (Niark ! Niark !), j'ai choisi de ne pas inclure son d'image dans ce billet.

Il faudra donc vous rendre au second étage du Musée Guimet pour l’exposition « Paysages japonais, de Hokusai à Hasui », et exercer vos talents de matelot en hissant la voile pour atteindre la Grande Vague, puisqu'une pièce de tissu protège l'estampe de la lumière.

Je vous propose quand même une estampe d'Hokusai, et ne regardant pas à la dépense, vous avez en une seule image, une vague et le Mt Fuji  !
Hokusai - 36 vues du Mt Fuji Koshu
Hokusai - 36 vues du Mt Fuji Koshu

Et pour en terminer avec les estampes, l'amoureux que je suis des paysages enneigés, si magnifiquement traités par les artistes japonais, vous a choisi une œuvre de Hasui Kawase, Trésor National vivant en 1953, qui a ravivé l'art de l'ukiyo-e au début du 20e siècle.
Hasui Kawase - Neige sur le temple Zojoji, Shiba, Tokyo
Hasui Kawase - Neige sur le temple Zojoji, Shiba, Tokyo

Il reste maintenant à atteindre Bouddha.
Rien de plus facile avec l’aide de Prune Nourry, qui a profité de sa Carte Blanche à Guimet, pour éparpiller son grand Bouddha aux quatre coins de musée, façon puzzle.
D'un pied nous accueillant dès l'entrée du musée jusqu'à la tête abritée dans la rotonde du dernier étage, son corps fragmenté, évoquant les bouddhas de Bamiyan, détruits en 2001 par les talibans, nous accompagne dans la rencontre des œuvres de la jeune artiste française, intelligemment confrontées aux pièces anciennes du musée.
Au détour de ces juxtapositions, nous sommes interpellés sur la place de la femme chez deux géants asiatiques.

En inde, autour des « Filles  sacrées», les passants réagissent aux créatures, troublants hybrides de l'animal sacré et de la fille, souvent non désirée.
Prune Nourry - Squatting Holy Daughter, 2010
Prune Nourry - Squatting Holy Daughter, 2010



Les « filles de Terre cuite », répliques féminines et pacifiques de l'armée de terre cuite de Xi’an, datant du IIIe siècle avant J.-C, sont autant d'hommages aux petites filles qui ne sont jamais nées en Chine, victimes de la sélection des sexes.
Prune Nourry - Mini Terracotta Daughters (Army), 2013,  photographie : Anne-Gloria Lefevre
Prune Nourry - Mini Terracotta Daughters (Army), 2013
Photographie : Anne-Gloria Lefevre



Arrivés dans la rotonde, il vous restera à découvrir ce que cache la tête de Bouddha, quelques dérisoires espoirs d'une vie meilleure...
Prune Nourry  - La destruction n'est pas une fin en soi (tête)
Prune Nourry - La destruction n'est pas une fin en soi (tête)
Photo ArtsHebdoMédias courtesy Musée Guimet



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