L'Oeil Curieux

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Tag - Pavillon Carré de Baudouin

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samedi 22 septembre 2018

Pour "ma" journée du patrimoine

Tiens, il a un peu de retard à l'allumage l'Oeil Curieux.
Il écrit sur "sa" journée du patrimoine 7 jours après l'évènement !

Oui et non.
Oui, parce que j'avais effectivement l'intention de publier dimanche dernier, mais que la visite de la vigne de Suresnes, du cimetière Américain de Suresnes et de Suresnes Auto Rétro, dans le cadre des journées du patrimoine, m'en ont empêché.
Non, parce que l’intérêt pour le patrimoine ne doit pas se limiter à un week end dans l'année, même si ces deux journées permettent effectivement d’accéder à des lieux habituellement fermés au public.
Encore non, puisque mon sujet, la photographie humaniste, est visible tous les jours sur Internet.
Enfin non, car je vais parler de Sabine Weiss et Willy Ronis dont les images sont visibles dans deux réjouissantes expositions.

J'aime ces photographes qui regardent l'humain avec empathie, dans la simplicité de la vie quotidienne.
J’aime la douceur de ce noir & blanc argentique, ces gris fondus, cette lumière qui graine.

Cette école française, très présente dans l'agence Rapho, avec Weiss et Ronis, mais aussi Robert Doisneau ou Édouard Boubat, a nourri ma découverte de la photographie et continue aujourd’hui à enrichir mon patrimoine visuel.

Au Centre Pompidou, devant la place de la Concorde de Weiss, la place Vendome de Ronis est apparue en écho dans mon esprit.
Willy Ronis - Pluie, place Vendome, 1947
Willy Ronis - Pluie, place Vendome, 1947
© Willy Ronis

Sabine Weiss - Place de la Concorde, Paris, France, 1953 © Sabine Weiss
Sabine Weiss - Place de la Concorde, Paris, France, 1953
© Sabine Weiss

Résonance magique de la photographie, couches de mémoire qui s'accumulent.
1947 : une flaque enjambée et une colonne,
1953 : une autre flaque enjambée, un obélisque, un écho d'image, une passante et un policier qui marchent d'un même pas,
1977 : "Les jambes de femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie", dit Bertrand Morane, le héros de "L'homme qui aimait les femmes" de Truffaut.

Encore la mémoire, encore une résonance, entre image et mots.
"Chez Borniol", expression argotique pour parler des pompes funèbres et deux enfants qui attendent, bien sérieux, à l'extérieur de la dite entreprise.
Sabine Weiss - Vitrine de la maison Borniol, Paris, 1954 © Sabine Weiss
Sabine Weiss - Vitrine de la maison Borniol, Paris, 1954
© Sabine Weiss

Sublime condensation de gouttes du quotidien dans l'avenue Simon Bolivar.
Willy Ronis - Avenue Simon Bolivar, Paris, 1950 © Willy Ronis
Willy Ronis - Avenue Simon Bolivar, Paris, 1950
© Willy Ronis

Willy Ronis a beaucoup écrit sur ses images.
Il me semble qu'il n'y a pas de catalogue à l'exposition du Pavillon Carré de Baudouin, alors je vous recommande chaudement les deux ouvrages ci-dessous.
Derrière l'objectif de Willy Ronis: Photos et propos

Willy Ronis - Ce jour là

Et pour terminer sur le patrimoine, quoi de mieux que deux litrons pour aller avec une belle baguette ?
Henri Cartier Bresson - Enfant rue Mouffetard avec deux bouteilles de vin, 1952
Henri Cartier Bresson - Enfant rue Mouffetard avec deux bouteilles de vin, 1952



dimanche 26 février 2012

Moi, Marcel, Bâtisseur.

Marcel Storr pensait certainement à lui en ces termes, lui l'analphabète, devenu sourd des mauvais traitements de son enfance, simple cantonnier des parcs et jardins de la ville de Paris.
Ne disait il pas "Quand Paris sera détruit par la bombe atomique, le Président des Etats-Unis viendra me voir et on pourra reconstruire avec mes dessins" ?

Ses mondes, il les bâtissait sur la table de sa cuisine, sur du Papier Canson, avec son crayon à la pointe si bien taillée, qu'il gravait pratiquement les feuilles.

Au début étaient les églises. C'était avant la Guerre, dans les années 30.
Classiques, mais déjà foisonnantes de détails, aux briques minutieusement dessinées, ces maisons de Dieu lui rappelaient elles les bonne sœurs qui l’accueillirent en Alsace ?

Eglise / Church Eglise / Church Eglise / Church Eglise / Church



Dans les années 50, les églises deviennent Tours de Babel, flèches de cathédrales démesurées s’élançant dans des ciels délicatement nuageux.

Tour / Tower



1964 est l'année de son mariage, de son embauche par la ville de Paris et marque aussi son retour vers les églises.
Mais les finalement sages bâtisses d'avant guerre deviennent luxuriantes.
Les teintes sont automnales et les dessins révèlent déjà les architectures délirantes à venir.

Eglise / Church



Alors que poussent, à la Défense, les premières tours du quartier, Marcel Storr, qui les voit s'élever depuis son lieu de travail, le Bois de Boulogne, va construire ses villes imaginaires, ses ultimes créations.
Plus d'églises, mais des constructions titanesques aux allures de temples birmans ou hindous.

Mégapole Mégapole Mégapole


Les tours sont encore plus massives et oppressantes, la maitrise très imparfaite de la perspective accentuant leur aspect menaçant.

Mégapole Mégapole



Un monstrueux Capitole, aux multiples dômes, semble même attendre une improbable assemblée de parlementaires.

Mégapole



Quelques dessins inachevés révèlent le processus créatif de ce singulier bâtisseur : sans croquis préalable, les motifs se répandent depuis le coin de la feuille, au fur et à mesure que Marcel Storr imagine sa cité, avec ses tours, ses ponts et sa végétation.

Mégapole



Marcel Storr est mort en 1976, mais encore aujourd’hui les tours s'élèvent toujours plus haut dans le ciel...comme dans ses visions.