L'Oeil Curieux

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Tag - Pavillon Populaire

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dimanche 29 septembre 2013

Plossu : le grand Fresson de la couleur

Je fréquente certains photographes avec le plus grand des respects.
Particulièrement les maîtres du N&B, comme Cartier Bresson, Willy Ronis ou encore Michael Kenna dont je viens d'admirer quelques pièces somptueuses à la Galerie Camera Obscura.
Sans doute parce que je ne maîtrise pas le N&B comme je le voudrais, j'imagine rarement, face à une de leurs images, réaliser un jour pareil cliché, atteindre la même perfection.

Et puis, il y a des photographes dont je me sens plus proche, à l'œuvre moins intimidante.
J'ai ressenti avec une grande force cette proximité en parcourant, la semaine dernière, les salles du Pavillon Populaire de Montpellier.

Je connaissais Bernard Plossu pour son « Voyage Mexicain », mythique jumeau photographique de « Sur la Route ».

Les quelque 240 tirages de « Couleurs Plossu » célèbrent l'illumination colorée, ce moment unique ou une couleur envoûte l’œil d'un photographe, lui faisant oublier le reste, le cadre, le sujet, la netteté.
Seule importe la couleur dans l'évidence de sa présence, dans son absolue nécessité.
Je retrouve cette même obsession dans les photographies de Saul Leiter.

Alors oui, je me reconnais dans cette étagère de salle de bains, avec son verre, son flacon et la brosse à dents qui composent une nature morte aux couleurs crues.
Bernard Plossu "Grenoble" 1974
Bernard Plossu "Grenoble" 1974

Je pourrais sans doute m'émerveiller devant le débordement d'un jus d'orange.
Bernard Plossu  "Le jus d'orange, Ètats-Unis, 1980"
Bernard Plossu "Le jus d'orange, Ètats-Unis, 1980"

Et même si je ne suis pas un photographe de grands espaces, j'aurais été ému par le bleu profond du désert du Nouveau Mexique.
Bernard Plossu     "White Sands, États-Unis, 1980"
Bernard Plossu "White Sands, États-Unis, 1980"

En préparant ce billet, dans un premier temps, j'ai regretté de ne pas dénicher plus de photographies couleur de Plossu pour illustrer mes propos.

Mais quand je repense aux tirages exposés, réalisés avec le procédé Fresson, je n'ai plus aucun regret.
Internet ne peut pas rendre la présence des couleurs de ce procédé quadrichromique au charbon, une présence entêtée, mais sans agressivité.

Il faudra donc aller à Montpellier pour jouir pleinement des Couleurs Plossu.
A l'occasion, passer aussi au Musée Fabre voir Signac pour revenir ivre de lumière et de couleurs.




mardi 12 mars 2013

Fou à (Montpel)lier d'art

Montpellier, 10 mars 2013 : il me faut de l'art, comme tous les weekends !
Comptant bien avoir quelques heures de liberté dans un séjour chargé du type « déménagement d’étudiant », j'avais noté que le Pavillon Populaire abritait les 13èmes Boutographies et que le Carré St Anne proposait huit artistes européens, d'une génération émergente dans les années 1990.

Les Boutographies, qui doivent leur nom bizarre au quartier Boutonnet ou cette manifestation a été créée en 2001, sont consacrées à la jeune photographie de création européenne.
Le Pavillon Populaire abrite 13 jeunes artistes dans une belle diversité de regard.

Le tumulte du monde fournit souvent le sujet des travaux des jeunes photographes, qui s'interrogent et nous interrogent sur les réalités sociales ou sexuelles d’aujourd’hui, ou explorent, avec toute leur sensibilité, leurs racines.

Fabrice Fouillet explore l'architecture improbable d'Astana, nouvelle capitale du Kazakhstan.
Sous un climat extrême (il gèle régulièrement 6 mois par an), des constructions pharaoniques dessinent une cité, vitrine du pouvoir, à la beauté artificielle et dénuée de vie.
Fabrice Fouillet, Eurasisme
Fabrice Fouillet, Eurasisme

Fabrice Fouillet, Eurasisme
Fabrice Fouillet, Eurasisme

À l'opposé de cette recherche effrénée de la modernité, Thomas Vanden Driessche nous invite, entre Sambre et Meuse, à parcourir la campagne avec des reliques religieuses, escortées par de singulières troupes aux uniformes d'Empire.
Thomas Vanden Driessche, Marcheurs belgique, 2011-2012 © Thomas Vanden Driessche
Thomas Vanden Driessche, Marcheurs belgique, 2011-2012
© Thomas Vanden Driessche

Thomas Vanden Driessche, Marcheurs belgique, 2011-2012 © Thomas Vanden Driessche
Thomas Vanden Driessche, Marcheurs belgique, 2011-2012
© Thomas Vanden Driessche

Mais l'image, pur objet graphique, n'est pas pour autant oubliée avec les œuvres de Delphine Burtin ou de Christine Mathieu.

La découverte de la salle tapissée des étranges masques/visages procure une expérience assez unique, avec ces faces aveugles qui scrutent le visiteur étonné.
Christine Mathieu, Le temps exténué réclame du silence.
Christine Mathieu, Le temps exténué réclame du silence.

Christine Mathieu, Le temps exténué réclame du silence.
Christine Mathieu, Le temps exténué réclame du silence.

Quant aux déchets ménagers, ils trouvent dans les natures mortes de Delphine Burtin une beauté inattendue.
Delphine Burtin, disparition #51, #52
Delphine Burtin, disparition #51, #52

Delphine Burtin, disparition #26.
Delphine Burtin, disparition #26.

Après cette séquence photographique, direction le Carré Ste Anne, qui abritait cet été une bien belle procession.

L'exposition en cours se nomme « Signes des temps », et les temps ne sont pas vraiment à l'optimisme à en croire les artistes présentés.
La nef de l'ancienne église est le lieu parfait pour accueillir des œuvres sombres, inquiétantes.

John Issacs souligne avec humour notre déchéance, mais apporte aussi un message d'espoir dans notre capacité à réagir.
John Isaacs, If not now then when ...?" , 2010
John Isaacs, If not now then when ...?" , 2010

Son monolithe, échappé de « 2001, l’odyssée de l'Espace », nous invite à créer notre propre dieu et à enterrer nos démons.
Une face lisse, brillante reflète notre image.
Image d'un Dieu ou image de l'homme conçu à l'image de Dieu ?
John Isaacs & MK Kähne, Give birth to your own god and bury your own demons (Monolith), 2009
John Isaacs & MK Kähne
Give birth to your own god and bury your own demons (Monolith), 2009

L'autre face, un bar aux étagères bien remplies, nous permet d'enterrer nos démons.
En buvant ou au contraire en renonçant aux délices sulfureux de l'alcool ?
John Isaacs & MK Kähne, Give birth to your own god and bury your own demons (Monolith), 2009
John Isaacs & MK Kähne
Give birth to your own god and bury your own demons (Monolith), 2009

Et si de la création d'un nouveau cocktail surgissait un dieu digne d'un culte assidu ?
Et si notre reflet nous aidait à oublier les démons modernes de la silhouette parfaite et éternellement jeune ?

La céramique est à l'honneur avec des œuvres très différentes, mais tout aussi fortes.

Les couronnes mortuaires d'Anne Wenzel, son Requiem de L’Héroïsme, se décomposent, se liquéfient, s'effilochent comme la mémoire des événements qu'elles célèbrent.
Anne Wenzel, Requiem of Heroism, 2010 Photography: John Stoel
Anne Wenzel, Requiem of Heroism, 2010 Photography: John Stoel

Anne Wenzel, Requiem of Heroism, 2010 Photography: John Stoel
Anne Wenzel, Requiem of Heroism, 2010 Photography: John Stoel

Michel Gouéry, démiurge céramiste, engendre d'étranges créatures.
Michel Gouéry, Sans titre, 2007. Céramique.  Courtesy Frac Auvergne, © Michel Gouéry
Michel Gouéry, Sans titre, 2007. Céramique.
Courtesy Frac Auvergne, © Michel Gouéry

Ronald Ophuis ne travaille pas dans un monde imaginaire, malheureusement devrais je dire.
Car ce peintre suit un protocole bien particulier pour réaliser ses tableaux.
Il se rend sur des lieux de conflits pour recueillir les témoignages de victimes et de survivants.
Il réalise un travail journalistique pour accumuler les faits, l'horreur dans ses moindres détails.
De retour dans son atelier, il reconstitue les scènes avec des acteurs et les photographie.
Il réalise ensuite les tableaux à partir de ces reconstitutions photographiques.

La guerre de Bosnie est un de ses thèmes, avec son cortège de violence et d'exactions.
Son « Hotel du Viol » est dérangeant et plonge le spectateur dans un malaise diffus.
L'horreur n'est pas visible, mais sa présence passée, et à venir, devient palpable dans cette chambre à la fenêtre obturée ou trois femmes attendent d'être à nouveau violées.
Ronald Ophuis, Rape Hotel - Bosnia 1992 2008
Ronald Ophuis, Rape Hotel - Bosnia 1992 2008

Comme souvent, je rends compte d'une exposition dans ses derniers jours, les Boutographies se terminant Dimanche 17 mars.
Par contre, « Signs of The Times » dure encore plusieurs semaines.
Si vous la visitez, je vous souhaite d'avoir la chance de suivre une visite guidée comme celle que le hasard m'a fait partager ce dimanche 10 mars, à 16.00h.
Notre guide était enthousiaste, passionné et passionnant, nous offrant un beau moment de communion...pour les fous à lier de l'art.



mardi 18 septembre 2012

Le portraitiste et le paysagiste

J'avais quitté Denis Brihat, en juin de l'année dernière, à la Galerie Camera Obscura ou ses fruits et légumes garnissaient la très végétale exposition « Jardins d'été ».
Je l'ai retrouvé, au cœur de l'été languedocien, avec ses coquelicots et ses tulipes dans la très florale exposition « Au bonheur des fleurs ».

Je n'avais pas particulièrement cherché à mieux connaître Denis Brihat après notre première rencontre.
L'entretien du photographe avec Pierre-Jean Amar (vidéo visible ici), ouvrant le parcours du Pavillon Populaire, m'a fait découvrir un artiste attachant qui a creusé avec obstination son sillon : photographier la nature, et les fleurs en particulier, pour réaliser des images qui doivent être contemplées.
Les paroles du photographe, paroles d'un vieux sage, riche d'une vie vécue en harmonie avec une ambition artistique d'une grande rigueur, m'ont accompagné tout au long de la visite.

Portraits de coquelicots, aux couleurs nées dans le laboratoire d'un alchimiste photographe et de la magie des virages, oxydations et autres sulfurations.

Coquelicot 1997 © Denis Brihat
Coquelicot, 1997 © Denis Brihat

Coquelicot, 1994 © Denis Brihat
Coquelicot, 1994 © Denis Brihat

Calligraphies des tulipes noires, idéogrammes dessinés par le pinceau de l'agrandisseur et le geste de l'artiste- artisan.

Tulipe noire 1981 © Denis Brihat
Tulipe noire, 1981 © Denis Brihat

Tulipe noire 1977 © Denis Brihat
Tulipe noire, 1977 © Denis Brihat

Les fleurs de Denis Brihat appellent à la méditation, à la délectation d'une beauté révélée.

Moins austères, les métamorphoses de Paul den Hollander nous entrainent dans des jardins extraordinaires d’où surgissent ici un pistil, là une feuille et quelques tiges.

Metamorphosis 2004-2007 Paul den Hollander
Metamorphosis 2004-2007 © Paul den Hollander

Metamorphosis 2004-2007 Paul den Hollander
Metamorphosis 2004-2007 © Paul den Hollander

Metamorphosis 2004-2007 Paul den Hollander
Metamorphosis 2004-2007 © Paul den Hollander

Le vent et le temps étiré d'une pose longue floutent les couleurs, le foisonnement est palpable et l'oreille, abusée par l’œil, bruit d'une vie animale invisible, mais forcément présente.

Un portraitiste zen et un paysagiste impressionniste ont semé, en ce mois d'aout, dans mon esprit de photographe urbain, arpenteur de la grande ville, une graine bien inattendue.
Mais le terreau semble fertile puisque la germination commence à être visible dans cette parcelle de mon Flickr.


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