Leur vie fut un roman.

Avant même leur rencontre, leurs itinéraires s’inscrivirent dans une Europe où la peste brune se répandait.

Gerta Pohorylle, juive et gauchiste, quitte son Allemagne natale pour échapper à la répression contre les juifs déclenchée par Adolf Hitler.
Elle se réfugie à Paris.

André Friedmann, antifasciste et hongrois, doit quitter son pays pour éviter l’emprisonnement pour activisme.
Réfugié en Allemagne, il fuit en Autriche avec l'arrivée au pouvoir du chancelier Hitler.
Mais la dictature d'Engelbert Dollfuss le pousse à nouveau au départ.
Il se réfugie à Paris.

Gerta et André se rencontrent au Café Le Capoulade, au 63 du Boulevard St Michel, où se retrouvent les exilés et militants de gauche de toute l'Europe.
Vient l'histoire d'amour.
Vient l'invention géniale qui métamorphose André en « Robert Capa » et Gerta en « Gerda Taro », pseudonymes sur lesquels planent les ombres du cinéaste Franck Capra et de l'actrice Greta Garbo.
Quoi de plus normal pour une vie romanesque.

La suite, pour les passionnés de photographie et de son histoire, est bien connue, et je l'ai évoquée à l’occasion de l'exposition sur la Valise Mexicaine.
Leur antifascisme et la photographie les amènent à couvrir la guerre d'Espagne.

Capa rencontre le début de la gloire le 5 septembre 1936, avec son cliché « Mort d'un soldat républicain ».

Taro rencontre la mort le 25 juillet 1937, à Brunette, en percutant un char T-26.
Elle est enterrée le jour de ses 27 ans au Père-Lachaise.

J'ai retrouvé avec émotion Gerta et André dans le livre de Susana Fortes.
En attendant Robert Capa de Susana Fortes

Si le style déployé dans « En attendant Robert Capa » n'est pas inoubliable, l'auteur donne chair à deux icônes dans un récit bien mené.

Les dialogues sont crédibles et les allers-retours entre d'une part le fil narratif, chronologique, du récit et d'autre part les digressions sur le passé ou l'avenir des personnages imprime un rythme intéressant à l'ouvrage.

La guerre d'Espagne me semble bien rendue, avec son effervescence, ses volontaires étrangers et la démission des démocraties occidentales.
Mais, sans doute parce qu'ils sont des icônes, j'ai trouvé que les scènes de sexe entre Taro et Capa, même chastes, n'apportent rien.

Mais c'est la seule réserve sur un livre qui, s'il n'est pas un chef d’œuvre, m'a fait partager les vies romanesque mais bien réelles, d'une jeune Allemande et d'un jeune Hongrois, grand photographes, dans une époque troublée, prélude tragique à la Seconde Guerre Mondiale, .

La romancière, dans la postface, précise qu'une photographie de Taro, prise par Capa, est à l'origine de son ouvrage.
Celle ci, retrouvé avec la Valise Mexicaine.
Robert Capa, Gerda Taro endormie, Paris, 1935-36© International Center of Photography / Magnum Collection International Center of Photography
Robert Capa, Gerda Taro endormie, Paris, 1935-36
© International Center of Photography / Magnum Collection International Center of Photography

Pour compléter ce roman biographique, je vous conseille d’enchaîner sur une biographie romancée complètement dans le sujet  : « Slightly out of Focus/ Juste un peu flou » par Robert Capa lui même.
Juste un peu flou : Slightly out of focus de Robert Capa.jpg
Cette autobiographie, sans aucun doute bien embellie par un Capa charmeur, au style élégant, nous plonge, de 1941 à la victoire, dans l'Europe en flammes.
Le voyage est passionnant, avec une alternance de passages profondément émouvants sur les drames d'un conflit et d'autres, bien plus légers, sur sa relation avec Pinky, sa maîtresse du moment.
Il y a de nombreuses photographies, dont celles, célèbres, prises lors du débarquement sur Omaha Beach, le 6 juin 1944, avec les hommes du 16e régiment d'Infanterie.
Définitivement un must pour l'admirateur de photographes de guerre que je suis !