L'Oeil Curieux

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dimanche 6 mai 2018

Vite, avant l'arrêt de "En suspens"

Je suis frustré, car je ne peux pas partager avec vous mon coup de cœur de la proposition poéticopolitique « En suspens » du BAL.

« View from Above », la vidéo d'Hiwa K est introuvable sur la toile.
D'un autre côté, si cela vous oblige à aller voir l'exposition dans la grosse poignée de jours restants, c'est finalement un mal pour un bien.
View From Above Hiwa K, 2017
View From Above Hiwa K, 2017

« View from above » est une histoire de migrants, de fiction, de ruines et de vies à reconstruire.
Hiwa K devait la porter en lui depuis longtemps; sur son site, la trame narrative existait déjà dans la rubrique « anecdotes ».

Sur les images de la maquette d'une ville détruite par la guerre, une voix raconte comment M a finalement obtenu l'asile à partir d'une histoire inventée.
Le narrateur lui-même est un migrant, et sa propre expérience infuse le récit.
J'ai été happé par le texte, le grain de la voix et le dispositif filmique qui souligne admirablement les paroles.

J'ai qualifié l'exposition de poéticopolitique, car les œuvres sont excessivement ancrées dans notre réalité, et souvent sur des pratiques ou des lieux plutôt déprimants.
Mais par la grâce du regard des artistes, la singularité de certaines des situations, il se dégage une atmosphère, une ode à l'humanité et sa fragilité, et aussi à sa résilience.

Comme avec ces vêtements de mineurs qui attendent les corps pour être à nouveau habités.
Darek Fortas Changing Rooms
Darek Fortas Changing Rooms

Comme avec ces hommes, incarcérés sans motif à Guantanamo, puis finalement libérés puis « déportés » vers des terres inconnues, pour un nouvel emprisonnement.
Welcome to Camp America © Debi Cornwall Welcome to Camp America © Debi Cornwall

Comme avec ces mystérieux vendeurs de roses à Beyrouth, présents chaque jour, mais ne vendant jamais rien, et peu à peu soupçonnés d'être des espions du voisin encombrant, la Syrie.
Paola Yacoub Les fleurs de Damas Crédit photographique : © Georges Meguerditchian - Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP © Paola Yacoub Paola Yacoub Les fleurs de Damas
Crédit photographique : © Georges Meguerditchian - Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP
© Paola Yacoub




dimanche 3 septembre 2017

Sur une grande vague vers la tête de Bouddha

L'Oeil Curieux, après un stage de surf sur la cote basque, a-t-il eu l'illumination et est-il devenu bouddhiste ?
Du tout, du tout.
Ce titre énigmatique est né au musée Guimet, et voici sa genèse.

La Grande Vague est celle de Katsushika Hokusai, « La Grande Vague de Kanagawa », certainement une des estampes les plus connues.
Parce que j'aime bien contrarier mes lecteurs (Niark ! Niark !), j'ai choisi de ne pas inclure son d'image dans ce billet.

Il faudra donc vous rendre au second étage du Musée Guimet pour l’exposition « Paysages japonais, de Hokusai à Hasui », et exercer vos talents de matelot en hissant la voile pour atteindre la Grande Vague, puisqu'une pièce de tissu protège l'estampe de la lumière.

Je vous propose quand même une estampe d'Hokusai, et ne regardant pas à la dépense, vous avez en une seule image, une vague et le Mt Fuji  !
Hokusai - 36 vues du Mt Fuji Koshu
Hokusai - 36 vues du Mt Fuji Koshu

Et pour en terminer avec les estampes, l'amoureux que je suis des paysages enneigés, si magnifiquement traités par les artistes japonais, vous a choisi une œuvre de Hasui Kawase, Trésor National vivant en 1953, qui a ravivé l'art de l'ukiyo-e au début du 20e siècle.
Hasui Kawase - Neige sur le temple Zojoji, Shiba, Tokyo
Hasui Kawase - Neige sur le temple Zojoji, Shiba, Tokyo

Il reste maintenant à atteindre Bouddha.
Rien de plus facile avec l’aide de Prune Nourry, qui a profité de sa Carte Blanche à Guimet, pour éparpiller son grand Bouddha aux quatre coins de musée, façon puzzle.
D'un pied nous accueillant dès l'entrée du musée jusqu'à la tête abritée dans la rotonde du dernier étage, son corps fragmenté, évoquant les bouddhas de Bamiyan, détruits en 2001 par les talibans, nous accompagne dans la rencontre des œuvres de la jeune artiste française, intelligemment confrontées aux pièces anciennes du musée.
Au détour de ces juxtapositions, nous sommes interpellés sur la place de la femme chez deux géants asiatiques.

En inde, autour des « Filles  sacrées», les passants réagissent aux créatures, troublants hybrides de l'animal sacré et de la fille, souvent non désirée.
Prune Nourry - Squatting Holy Daughter, 2010
Prune Nourry - Squatting Holy Daughter, 2010



Les « filles de Terre cuite », répliques féminines et pacifiques de l'armée de terre cuite de Xi’an, datant du IIIe siècle avant J.-C, sont autant d'hommages aux petites filles qui ne sont jamais nées en Chine, victimes de la sélection des sexes.
Prune Nourry - Mini Terracotta Daughters (Army), 2013,  photographie : Anne-Gloria Lefevre
Prune Nourry - Mini Terracotta Daughters (Army), 2013
Photographie : Anne-Gloria Lefevre



Arrivés dans la rotonde, il vous restera à découvrir ce que cache la tête de Bouddha, quelques dérisoires espoirs d'une vie meilleure...
Prune Nourry  - La destruction n'est pas une fin en soi (tête)
Prune Nourry - La destruction n'est pas une fin en soi (tête)
Photo ArtsHebdoMédias courtesy Musée Guimet



samedi 4 mars 2017

Retour video vers le futur

À l'heure où l'image animée est omniprésente, avec des écrans qui se nichent jusque dans nos poches sur les smartphones, alors que le numérique dissout la frontière entre l'image captée de la réalité et l'image complètement fabriquée, il est agréable de se replonger dans les débuts de l'art vidéo.

Découvrir les œuvres de Peter Campus, réalisées dans les années 70, procure in fine les mêmes sensations que découvrir les œuvres de Georges Méliès.
Une magie opère et fait oublier les imperfections graphiques, l’archaïsme technique.
Ne subsistent alors que la fascination et le charme.

Les trois transitions sont toujours aussi étonnantes.


Elles ont aussi une qualité toute particulière avec le regard de l'artiste qui surveille régulièrement, sur un écran hors champ, l'image qui est en train d'être fabriquée.
Nous regardons l'image que fabrique l'artiste, et nous regardons l’artiste qui regarde l'image qu'il fabrique

Quant à RGB (Red Green Blue), l'oeuvre est une variation/étude sur le système de codage des couleurs à partir de l'addition de 3 couleurs fondamentales, le Rouge, le Vert et le Bleu.
L'artiste explore cette fabrication additive de couleurs, avec de simples filtres colorés, puis des éclairages de différentes couleurs et enfin avec le signal vidéo.



Mais la rétrospective du Jeu de Paume ne maintient pas le visiteur comme simple spectateur.
Nous entrons littéralement dans l'image avec les dispositifs interactifs comme « Interface (1972) », qui nous fait rencontrer notre monochrome reflet dans le miroir ou « Anamnesis (1973) », avec lequel un autre nous-même nous rattrape, surgi d'un passé vieux de 3 secondes.
Il faut expérimenter soi-même, mais aussi observer les autres visiteurs se confronter à leurs fantômes attardés.



Enfin, les récentes œuvres de Campus, maintenant en numérique, sont toutes autant innovantes, notamment sa vague (a wave, 2009), déstructurée en un rythme de pixels qui devient alors le mouvement même d'une vague, son essence dynamique.




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