Alors que vous allez emmener vos enfants à la splendide exposition "Corps et ombres, Caravage et le caravagisme européen" au Musée Fabre de Montpellier, l’œil curieux souhaiterait vous alerter sur le danger de cette visite.

Les médias ont récemment fait le lien entre un massacre perpétré aux USA, à l'arme à feu, par un déséquilibré lors de la projection du dernier film sur Batman et l'influence néfaste de ce type de films, sombres et violents, sur quelques esprits perturbés.

Il est donc du devoir de ce blog d'informer les parents que certaines des images contenues dans l'exposition sur le caravagisme pourraient faire naître des envies de massacre à l'arme blanche chez des enfants ou des adolescents un peu fragiles psychologiquement.

Alarmisme déplacé diront certains ?
Caravage et ses « disciples », ce serait avant tout une maîtrise consommée de la lumière directionnelle, des clair-obscurs modelant les corps.
C'est vrai, mais ce n'est pas que cela, et je vais illustrer mes propos avec quelques uns des tableaux présentés à Montpellier.

Voyez la frayeur déformer le visage d'Isaac, alors que son père est sur le point de l'égorger comme un vulgaire mouton.
Il n'y aura pas toujours un ange pour retenir la main armée d'un couteau !

Caravage, Sacrifice d’Isaac (Florence, Galerie des Offices)
Caravage, Sacrifice d’Isaac
Florence, Galerie des Offices

Observez la mine patibulaire du bourreau déposant la tête, encore sanglante, de Jean-Baptiste, sur le plateau porté par Salomé.
Cette décapitation est le résultat sordide d'une sombre histoire de remariage avec un beau frère, d'un prophète moralisateur et d'une danse séductrice, exécutée devant un roi, par une jeune fille sous l'emprise malfaisante de sa mère.

Caravage, Salomé recevant la tête de saint Jean-Baptiste (Londres, National Gallery)
Caravage, Salomé recevant la tête de saint Jean-Baptiste
Londres, National Gallery

Comment ne pas être choqué par ce pauvre géant, le front éclaté par une pierre, en train de se faire trancher la tête par un jeune berger au visage convulsé par la violence ?

Borgianni, David et Goliath (Madrid, Academia de San Fernando)
Borgianni, David et Goliath
Madrid, Academia de San Fernando

Même en l'absence de détails sanglants, la violence est sous jacente, comme dans ce « Saint Sérapion », missionnaire de l'Ordre de Notre-Dame-de-la-Merci, atrocement torturé (démembrement et décapitation ou éviscération, suivant les versions), représenté sans vie et d'une pâleur cadavérique.

Zurbarán, Saint Sérapion (Hartford, Wadsworth Atheneum Museum of Art)
Zurbarán, Saint Sérapion
Hartford, Wadsworth Atheneum Museum of Art

Je ne voudrais pas jouer les Cassandre, mais je ne serais pas étonné d'apprendre, un de ces jours au journal de 20 heures, qu'un déséquilibré a égorgé des visiteurs du musée Fabre avec son Opinel ou son Laguiole.
Car en France, si la vente d'armes à feu est bien plus réglementée qu'aux États Unis, n'importe qui peut acheter un couteau !

Mais il reste néanmoins une faible lumière dans ces ténèbres.
Que l'image apaisée de ce nouveau né, délicatement nimbé de la lueur vacillante de la chandelle, ne déclenche chez les jeunes visiteurs un torrent d'amour et de sérénité...

La Tour, Le nouveau-né, Musée des Beaux-Arts de Rennes
La Tour, Le nouveau-né
Musée des Beaux-Arts de Rennes