L'Oeil Curieux

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Tag - Photographie

Fil des billets - Fil des commentaires

dimanche 17 décembre 2023

Matière à voir

Beaucoup de matière dans cette copieuse exposition comme la BNF sait si bien nous en concocter.
Des œuvres en quantité gastronomique, des cartels bien remplis pour nous accompagner dans un passionnant et réjouissant voyage dans les états possibles de la matière-image en photographie, analogique comme numérique.

Mon chemin de joie en quatorze stations.

Station I
Retour vers le futur.
Andreas Müller-Pohle part d'un scan de la première photographie de l’Histoire, « Point de vue pris d’une fenêtre de la propriété du Gras à Saint-Loup-de-Varennes » de Nicéphore Niépce, qu'il digitalise pour ensuite produire des images avec des retranscriptions des données binaires du numérique.
D'une photographie historique, mais qui, par ses huit heures de pose, ne reproduisait pas le regard humain, l'artiste nous propose une autre interprétation finalement tout aussi éloignée du regard humain.
Andreas Müller-Pohle, Digital Scores IV (after Nicéphore Niépce), 1998 © Andreas Müller-Pohle
Andreas Müller-Pohle, Digital Scores IV (after Nicéphore Niépce), 1998
© Andreas Müller-Pohle

Station II
La matière est présente, flamboyante dans son oxydation.

Mais nous ne saurons jamais s'il s'agit d'un monumental monolithe ou d'un petit morceau de métal récupéré.
Béatrice Helg, Profondeurs IV, 2017
Béatrice Helg, Profondeurs IV, 2017
© Béatrice Helg

Station III
La cuvette de développement, réceptacle de l'alchimie de la photographie argentique, devient elle même le sujet d'un photogramme pour finir en impression pigmentaire.

Autres temps, autres mœurs.
Cuvette de développement n°18, Paris - 2021 Digitalisation, Tirage pigmentaire © Philippe Gronon - ADAGP
Cuvette de développement n°18, Paris - 2021 Digitalisation, Tirage pigmentaire
© Philippe Gronon - ADAGP

Station IV
Une feuille de papier pliée devient une goutte de lumière, par la magie de la très faible profondeur de champ de la prise de vue.
Paper Drop (Passage) Vi,  Wolfgang Tillmans
Wolfgang Tillmans, Paper Drop (Passage) VI

Station V
Un Alien, engendré par une intelligence artificielle nourrie de fragments du texte Économie libidinale (1974) du philosophe Jean-François Lyotard et des millions de documents iconographiques disponibles sur la toile.
Gregory Chatonsky, E-phemeral skin #14
Gregory Chatonsky, E-phemeral skin #14

Station VI
Une photographie écologique et circulaire, la plante est le sujet et le support puisque le papier est composé des fibres du végétal représenté.
Parme Baratier, Tronc de Cannabis Sativa, 2019
Parme Baratier, Tronc de Cannabis Sativa, 2019

Station VII
« 8 Tentatives de représenter le Mont Fuji » seraient-elles une tentative de réponse aux « Trente Six vues du Mont Fuji » d'Hokusai, d’un photographe travaillant la surface sensible du tirage par un procédé répété d'oxydation-réduction ?
Rolan Ménégon, 8 Tentatives de représenter le Mont Fuji, Tentative 8/8
Rolan Ménégon, 8 Tentatives de représenter le Mont Fuji, Tentative 8/8

Station VIII
Encore un artiste sous emprise de produits chimiques !
Le sel de bichromate sur une plaque de verre créé un paysage montagneux onirique
Jean-Pierre Sudre, Douze paysages matériographiques 1972 / 1975
Jean-Pierre Sudre, Douze paysages matériographiques 1972 / 1975

Station IX
L'incendie de la ville de Paradise (Californie) couve encore sous le flamboiement de l'image infrarouge.

Le Dixie Fire n'aura pas vraiment respecté le panneau précisant « No Trespassing », entrée interdite...
Maxime Riché, No Passing 2020,  Série « Paradise», 2020-2023
Maxime Riché, No Passing 2020, Série « Paradise», 2020-2023

Station X
La douceur des souvenirs, un faux air d'autochrome par l'apport des pigments.
Flore, Mandarine , Série « Maroc, un temps suspendu », 2019
Flore, Mandarine , Série « Maroc, un temps suspendu », 2019

Station XI
La photographie rehaussée de dessin à la mine graphite devient une personnalité graphique troublée et troublante.
Anne-Lise Broyer, Lys, 2022
Anne-Lise Broyer, Lys, 2022

Station XII
Un lys dans un vase, sujet parfait d'une nature morte, « Still Life », redevient toujours vivant, « Still Alive » grâce à la superposition photographique de ses postures successives de fleur coupée dans ses derniers jours.
Hélène Marcoz, Still alive, Lys blanc 2010
Hélène Marcoz, Still alive, Lys blanc 2010

Station XIII
La station des sports d'hiver, avec la moelleuse blancheur d'un papier essuie-tout pour un paisible paysage enneigé.
Jean Pierre Bonfort, Douze paysages de montagne ronds II, 2012-2014
Jean Pierre Bonfort, Douze paysages de montagne ronds II, 2012-2014

Station XIV
Beau comme la rencontre provoquée sur un tirage Cibachrome des peintures de Fernand Léger avec les photographies de Stéphane Couturier
Stéphane Couturier, Sète - 2018 Port de Commerce n°7, Série "Les Nouveaux Constructeurs"
Stéphane Couturier, Sète - 2018 Port de Commerce n°7
Série "Les Nouveaux Constructeurs"


samedi 11 novembre 2023

Quel petit vélo avec une jeune fille dessus ?

Forcément, quand une jeune fille de 16 ans participe à un concours de jeunes stylistes et remporte un prix avec un motif constitué d'un réseau entrecroisé de bicyclettes vues du dessus, c'est qu'elle a un petit vélo dans la tête et des envies de voyages.

Ce motif élégant a été remarqué par l'entreprise de textile Pacific Mills, qui en a fait un tissu, utilisé pour un prototype de robe.
Tissu repris en 2023 par Textuel pour la couverture de l'élégant catalogue de l'exposition de Ruth Orkin, la jeune fille au vélo.
© Textuel
Ruth Orkin, Bike Trip, Usa, 1939

Printemps 1939, Ruth, 17 ans, part seule, avec son vélo, de San Francisco pour rejoindre New York.
Sa monture n'est pas qu'un moyen de transport, mais un vrai compagnon, très présent dans les clichés que la photographe amateur prend tout au long de son périple.

Revenu sur la cote ouest, elle regroupe les contacts de ses photographies dans un scrapbook, avec quelques mots de légende pour chaque image.
© Ruth Orkin Photo Archive
Mon ombre sur la colline
© Ruth Orkin Photo Archive

© Ruth Orkin Photo Archive
Russian Hill. Les montagnes russes.
6 heures du matin. Épicerie italienne pour le petit déjeuner.
© Ruth Orkin Photo Archive

© Ruth Orkin Photo Archive
Le Washington Monument vu du mémorial Lincoln et se reflétant sur le Mall.
J'ai monté les 50 étages mais en haut, il y avait un petit vent agréable.
© Ruth Orkin Photo Archive

Devenue photographe professionnelle, Ruth Orkin photographie son amie Jink Allen dans les rues de Florence, dans des situations "satiriques".
C'est ainsi que son image la plus célèbre, "Jeune femme américaine en Italie" est en ouverture d'un article de Cosmopolitan, intitulé "Quand on voyage seule...".
© Ruth Orkin Photo Archive
Jeune femme américaine en Italie, Florence 1951
© Ruth Orkin Photo Archive

Comme un écho lointain au bike trip de 1939.


Nota : les légendes des photographies sont les traductions françaises, reprises du catalogue de l'exposition, des annotations manuscrites de Ruth Orkin dans son scrapbook.

samedi 26 août 2023

Erwitt : le parfum de l'humour

Quel plaisir de terminer cette série de billets du mois d'août, avec un grand monsieur, photographe à l'oeil acéré et plein de malice.


J'ai le plaisir de vous présenter Monsieur Esprit, Monsieur Elliot Erwitt.
Elliott Erwitt Rome, Italy (Self portrait with Finger), 1968 © Elliott Erwitt
Elliott Erwitt Rome, Italy (Self portrait with Finger), 1968
© Elliott Erwitt | Magnum Photos

Quand on lit ou écoute une de ses interviews, il est le vieux tonton dont l'oeil pétille, qui a parcouru le monde et porte sur celui-ci un regard curieux, souvent amusé, parfois très sérieux, mais toujours empreint d'humanité.

Il aime les chiens, ses modèles préférés (en particulier "parce qu'ils ne demandent pas de tirages", dit-il).
Elliott Erwitt New York City. USA. 2000. © Elliott Erwitt
Elliott Erwitt New York City. USA. 2000.
© Elliott Erwitt | Magnum Photos

Il capte et concentre en une image, l'essence d'une situation, aussi bien drôle que tragique
Elliott Erwitt Prado Museum, Madrid, Spain. 1995. © Elliott Erwitt
Elliott Erwitt Prado Museum, Madrid, Spain. 1995.
© Elliott Erwitt | Magnum Photos

Elliott Erwitt Caroline du Nord, Etats-Unis, 1950 © Elliott Erwitt
Elliott Erwitt Caroline du Nord, Etats-Unis, 1950
© Elliott Erwitt

Il nous laisse perplexes, ne sachant pas si nous devons rire ou pleurer devant ce garçon au sourire éclatant et son revolver pointé sur la tempe.
Elliott Erwitt Pittsburgh. Pennsylvania. USA. 1950. © Elliott Erwitt
Elliott Erwitt Pittsburgh. Pennsylvania. USA. 1950.
© Elliott Erwitt | Magnum Photos

Il revisite le récit du pécheur "qui a péché un poisson grand comme cela". Elliott Erwitt
Elliott Erwitt | Elliot Erwitt's Handbook Diver. London, England. 1978.
© Elliott Erwitt | Magnum Photos

Même pour un travail de commande, ce tonton, qui connaît bien la France, compose une image ironiquement emblématique, pleine d'affection.
Elliott Erwitt Personal Best Provence, France. 1955 © Elliott Erwitt
Elliott Erwitt Personal Best Provence, France. 1955.
© Elliott Erwitt | Magnum Photos

Vous ne m'empêcherez pas de penser que cette façade, bien incongrue dans l'architecture classique des immeubles environnants a été retenue par Erwitt, d'abord pour le graphisme, mais aussi pour la traduction possible de l'enseigne « Tony's of Worth Street », « Chez Tony de la rue qui en vaut la peine ».
Elliott Erwitt New York City. New York. USA. 1969. © Elliott Erwitt
Elliott Erwitt New York City. New York. USA. 1969.
© Elliott Erwitt | Magnum Photos

Et pour finir, ayant encore en tête les mots d'esprit du photographe, je crois qu'il apprécierait le titre que je vais donner à un de ses phototoons, séquences cinématographiques de quelques images, qui racontent une histoire dont Erwitt vous laisse écrire le scénario.

"Autant en emporte le vent"
Elliott Erwitt Cannes, France, 1975 © Elliott Erwitt
Elliott Erwitt Cannes, France, 1975
© Elliott Erwitt | Magnum Photos


- page 2 de 64 -