L'Oeil Curieux

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Tag - Centre Pompidou

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dimanche 18 février 2024

C'est vous qui êtes enfermés avec nous

Il y a déjà longtemps, au collège, j'avais écrit une rédaction sur le thème du zoo.
Je me rappelle très bien que j'y avais exprimé ma détestation des zoos, de l'enfermement d'êtres vivants et que, in fine, c'était nous, les «humains» qui étaient enfermés.

Le regard triste des animaux en cage était l'expression de leur peine à nous voir derrière des barreaux...

Je sentais donc que l'exposition de Gilles Aillaud allait me troubler.

Je ne connaissais encore pas l'intensité du trouble.

Cette verdure, dérisoire ersatz de la végétation de la savane, ces clous, ces anneaux, la fosse et l'éléphant, réduit à quatre pattes et un bout de trompe.

Anneaux pour entraver une bête sauvage déjà enfermée, clous pour empêcher la chute dans la fosse (le suicide existe-t-il chez les animaux?), la privation de liberté est terriblement présente.
Gilles Aillaud, Éléphants et clous, 1970 © Adagp, Paris Crédit photographique : Fabrice Gousset, courtesy Loevenbruck, Paris
Gilles Aillaud, Éléphants et clous, 1970
© Adagp, Paris Crédit photographique : Fabrice Gousset, courtesy Loevenbruck, Paris

Que cherche-t-il ce rhinocéros au regard infiniment triste, derrière cette barrière métallique aux bords rongés par la corrosion ?
Gilles Aillaud, Rhinocéros, 1972
Gilles Aillaud, Rhinocéros, 1972

Lignes verticales et horizontales des grilles, cercles des anneaux, l'univers pénitentiaire de cet orang-outan, l'homme de la forêt, est d'une froide rigueur géométrique.
Gilles Aillaud, Orang-outang, 1967
Gilles Aillaud, Orang-outang, 1967

Par je ne sais quel effet optique, la face de cet ours noir commence à se confondre avec le dallage de son enclos.
Gilles Aillaud, Ours noir, 1982 © DR © ADAGP, Paris, 2023
Gilles Aillaud, Ours noir, 1982
© DR © ADAGP, Paris, 2023

À gauche la prison, à droite, encore la prison, mais avec un peu de feuillage.
Visiblement la vision retourne littéralement un des perroquets.
Gilles Aillaud, Perroquets, 1974 © Adagp, Paris Crédit photographique : Fabrice Gousset, courtesy Loevenbruck, Paris
Gilles Aillaud, Perroquets, 1974
© Adagp, Paris Crédit photographique : Fabrice Gousset, courtesy Loevenbruck, Paris

Il y a chez Aillaud, une maîtrise du décor, une précision dans le détail, qui renforcent l'artificialité de l'environnement des animaux.

Vide, la piscine ne fait plus semblant d'être un morceau d'océan.
Gilles Aillaud, Piscine vide, 1974 © Artists Rights Society (ARS), New York/ADAGP, Paris. Fonds Gilles Aillaud/Archives Galerie de France.
Gilles Aillaud, Piscine vide, 1974
© Artists Rights Society (ARS), New York/ADAGP, Paris. Fonds Gilles Aillaud/Archives Galerie de France

Le jet d'eau n'est pas une fine pluie maritime.
Gilles Aillaud, Otarie et jet d’eau, 1971 © Artists Rights Society (ARS), New York/ADAGP, Paris. Fonds Gilles Aillaud/Archives Galerie de France.
Gilles Aillaud, Otarie et jet d’eau, 1971
© Artists Rights Society (ARS), New York/ADAGP, Paris. Fonds Gilles Aillaud/Archives Galerie de France

Le tuyau n'est pas assez végétal pour régaler le porc-épic.
Gilles Aillaud, Tuyau et porcs-épics, 1976 © Artists Rights Society (ARS), New York/ADAGP, Paris. Fonds Gilles Aillaud/Archives Galerie de France.
Gilles Aillaud, Tuyau et porcs-épics, 1976
© Artists Rights Society (ARS), New York/ADAGP, Paris. Fonds Gilles Aillaud/Archives Galerie de France

Dans une rivière, ou dans une fosse, le rendu de l'onde, absolument splendide, nous immerge dans le monde flottant du redoutable crocodile.
Gilles Aillaud, Eau et crocodile, 1971,© Adagp, Paris, 2023 Photo Fabrice Gousset, courtesy Loevenbruck, Paris
Gilles Aillaud, Eau et crocodile, 1971
© Adagp, Paris, 2023 Photo Fabrice Gousset, courtesy Loevenbruck, Paris

En 1988, le peintre fait un voyage au Kenya.
La nature, sauvage, libre, infinie habite alors les œuvres de l'artiste.
Enfin des ciels et des horizons.

Une multitude de flamants trace un trait de khôl rose sur la paupière du lac.
Gilles Aillaud, Les oiseaux du lac Nakuru, 1990 © Adagp, Paris Crédit photographique : Jacques L’Hoir
Gilles Aillaud, Les oiseaux du lac Nakuru, 1990
© Adagp, Paris Crédit photographique : Jacques L’Hoir

Les girafes aux longs cous d’azur embrassent le ciel.
Gilles Aillaud, Girafes, 1989 © Adagp, Paris Crédit photographique : Archives Galerie de France, DR
Gilles Aillaud, Girafes, 1989
© Adagp, Paris Crédit photographique : Archives Galerie de France, DR

Le bonheur éclatant de la liberté envahit les toiles !



samedi 22 septembre 2018

Pour "ma" journée du patrimoine

Tiens, il a un peu de retard à l'allumage l'Oeil Curieux.
Il écrit sur "sa" journée du patrimoine 7 jours après l'évènement !

Oui et non.
Oui, parce que j'avais effectivement l'intention de publier dimanche dernier, mais que la visite de la vigne de Suresnes, du cimetière Américain de Suresnes et de Suresnes Auto Rétro, dans le cadre des journées du patrimoine, m'en ont empêché.
Non, parce que l’intérêt pour le patrimoine ne doit pas se limiter à un week end dans l'année, même si ces deux journées permettent effectivement d’accéder à des lieux habituellement fermés au public.
Encore non, puisque mon sujet, la photographie humaniste, est visible tous les jours sur Internet.
Enfin non, car je vais parler de Sabine Weiss et Willy Ronis dont les images sont visibles dans deux réjouissantes expositions.

J'aime ces photographes qui regardent l'humain avec empathie, dans la simplicité de la vie quotidienne.
J’aime la douceur de ce noir & blanc argentique, ces gris fondus, cette lumière qui graine.

Cette école française, très présente dans l'agence Rapho, avec Weiss et Ronis, mais aussi Robert Doisneau ou Édouard Boubat, a nourri ma découverte de la photographie et continue aujourd’hui à enrichir mon patrimoine visuel.

Au Centre Pompidou, devant la place de la Concorde de Weiss, la place Vendome de Ronis est apparue en écho dans mon esprit.
Willy Ronis - Pluie, place Vendome, 1947
Willy Ronis - Pluie, place Vendome, 1947
© Willy Ronis

Sabine Weiss - Place de la Concorde, Paris, France, 1953 © Sabine Weiss
Sabine Weiss - Place de la Concorde, Paris, France, 1953
© Sabine Weiss

Résonance magique de la photographie, couches de mémoire qui s'accumulent.
1947 : une flaque enjambée et une colonne,
1953 : une autre flaque enjambée, un obélisque, un écho d'image, une passante et un policier qui marchent d'un même pas,
1977 : "Les jambes de femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie", dit Bertrand Morane, le héros de "L'homme qui aimait les femmes" de Truffaut.

Encore la mémoire, encore une résonance, entre image et mots.
"Chez Borniol", expression argotique pour parler des pompes funèbres et deux enfants qui attendent, bien sérieux, à l'extérieur de la dite entreprise.
Sabine Weiss - Vitrine de la maison Borniol, Paris, 1954 © Sabine Weiss
Sabine Weiss - Vitrine de la maison Borniol, Paris, 1954
© Sabine Weiss

Sublime condensation de gouttes du quotidien dans l'avenue Simon Bolivar.
Willy Ronis - Avenue Simon Bolivar, Paris, 1950 © Willy Ronis
Willy Ronis - Avenue Simon Bolivar, Paris, 1950
© Willy Ronis

Willy Ronis a beaucoup écrit sur ses images.
Il me semble qu'il n'y a pas de catalogue à l'exposition du Pavillon Carré de Baudouin, alors je vous recommande chaudement les deux ouvrages ci-dessous.
Derrière l'objectif de Willy Ronis: Photos et propos

Willy Ronis - Ce jour là

Et pour terminer sur le patrimoine, quoi de mieux que deux litrons pour aller avec une belle baguette ?
Henri Cartier Bresson - Enfant rue Mouffetard avec deux bouteilles de vin, 1952
Henri Cartier Bresson - Enfant rue Mouffetard avec deux bouteilles de vin, 1952



dimanche 26 février 2017

Pour l'envie de relire

Mektoub.
Plus qu'écrit, il était certainement dessiné que l'année 2017 commencerait, pour la BD, sous l'égide de Franquin.

Il y eut d'abord le Hors Série de Fluide Glacial, édité pour célébrer les 40 ans du chef d'oeuvre absolu de Franquin, les « Idées Noires ».

Fluide Glacial HS Idées Noires Série Or N°77 22 décembre 2016

Une bonne occasion pour ressortir les 2 tomes de ma Bédéthèque et déguster ces planches à l'humour délicieusement acide.
Quand il se déchaîne sur ses bêtes noires, comme les militaires et le complexe militaro-industriel, Franquin fait mouche et atteint des sommets.

Franquin - Idées Noires Tome 1



Enfin, en sortant de l’exposition Cy Twombly, il y eut la visite de la petite exposition du Centre Pompidou.
Petite, mais intelligente, l'exposition permet de comprendre l'évolution de Gaston et de Franquin.
Si, finalement, elle présente peu de planches originales, elle offre néanmoins un bel échantillon des aventures du plus célèbre des garçons de bureau avec de nombreuses planches regroupées par thématiques.

Personnellement, sa visite m'aura donné envie de relire les Gaston Lagaffe, qui dormaient au fond de mes étagères.

Franquin Le bureau des gaffes en gros - Volume R2 série "Classique"

Le plaisir est toujours aussi présent à la relecture, et j'enchaîne les volumes avec gourmandise.

L'univers de Gaston, poétique, décalé, écologiste, non violent, nous rappelle aussi que le monde du bureau est aussi un lieu de vie.
Il est même un lieu de gastronomie, enfin d'une certaine gastronomie...

Gaston - Morue aux fraises






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