L'Oeil Curieux

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dimanche 3 août 2014

Von Paris nach Berlin

Il y a un siècle, des Bavarois se proposaient d'arriver à Paris.
Aucun n'y parvint et sans doute beaucoup d'entre eux moururent loin de chez eux, en terre étrangère.
L'accueil des Français fut plutôt réservé vis-à-vis de ces visiteurs d'outre-Rhin...
Nach Paris

En juillet 2014, « das neugierig auge » (L'Oeil curieux, dans la langue de Goethe) aurait pu écrire « Von Paris nach Berlin » sur la carlingue de l'Airbus de la Lufthansa.
L'accueil des Berlinois fut très agréable.

Et les temps sombres sont bien révolus.



Berlin est une ville facile à vivre, reposante, avec une offre culturelle diverse et de qualité.
Une destination de rêve pour l'Oeil Curieux.

À tout seigneur, tout honneur, je commence par l'exposition sur les années d'enseignement de Kandisky au Bauhaus.
Titulaire du poste de maître des formes à l’atelier de peinture murale, mais aussi proposant un cours sur les formes et un autre sur le « dessin analytique », Kandisky passait beaucoup de temps à préparer ses cours.
Il est passionnant de découvrir avec les exercices réalisés par les élèves, comment l'artiste enseignant transmettait sa conception des correspondances des couleurs et des formes.
Monica Ullmann-Broner, "distribution of colours in the wheel", study from Kandinsky’s course, 1931  / Bauhaus-Archiv Berlin, Foto: Markus Hawlik
Monica Ullmann-Broner, "distribution of colours in the wheel"
study from Kandinsky’s course, 1931
Bauhaus-Archiv Berlin, Foto: Markus Hawlik

Outre ce matériel pédagogique sont présentées les œuvres réalisées durant ces années passées en Allemagne.
Vassily Kandinsky, "Joyous Ascent" (Fröhlicher Aufstieg), 1923  / Bauhaus-Archiv Berlin, photo: Markus Hawlik /  © VG Bild-Kunst (Royalties Collection Society), Bonn
Vassily Kandinsky, "Joyous Ascent" (Fröhlicher Aufstieg), 1923
Bauhaus-Archiv Berlin, photo: Markus Hawlik
© VG Bild-Kunst (Royalties Collection Society), Bonn

Comme cette splendide pièce, réalisée pour un portfolio offert par les enseignants au fondateur et directeur du Bauhaus, Walter Gropius, pour son 41e anniversaire.
Chaque artiste avait réinterprété une photographie avec sa grammaire graphique.
Vassily Kandinsky, Untitled (from the portfolio for Walter Gropius), 1924 / Bauhaus-Archiv Berlin © VG Bild-Kunst (Royalties Collection Society), Bonn
Vassily Kandinsky, Untitled (from the portfolio for Walter Gropius), 1924
Bauhaus-Archiv Berlin © VG Bild-Kunst (Royalties Collection Society), Bonn

Pour ne rien vous cacher, je n'avais pas en tête cette exposition temporaire en allant au Bauhaus-Archiv.
Je voulais m'immerger dans cette école qui, en quatorze années, a profondément marqué le vingtième siècle, et trouve encore écho de nos jours.
L'exposition permanente a été un enchantement, avec des merveilles en architecture, peinture, sculpture, travail du métal et ameublement.
Lucia Moholy (photograph), Walter Gropius (architecture), Bauhaus building in Dessau: workshop building from the north-west, 1926 / Bauhaus-Archiv Berlin
Lucia Moholy (photograph), Walter Gropius (architecture)
Bauhaus building in Dessau: workshop building from the north-west, 1926
Bauhaus-Archiv Berlin

László Moholy-Nagy, Untitled (from the portfolio for Walter Gropius), 1924 / Bauhaus-Archiv Berlin, © VG Bild-Kunst Bonn © VG Bild-Kunst (Royalties Collection Society), Bonn
László Moholy-Nagy, Untitled (from the portfolio for Walter Gropius), 1924 Bauhaus-Archiv Berlin, © VG Bild-Kunst Bonn © VG Bild-Kunst (Royalties Collection Society), Bonn

Oskar Schlemmer, „Architectural sculpture R”, 1919 / Bauhaus-Archiv Berlin, photo: Gunter Lepkowski
Oskar Schlemmer, „Architectural sculpture R”, 1919
Bauhaus-Archiv Berlin, photo: Gunter Lepkowski

Marianne Brandt, Tea infuser (MT 49), 1924 / Bauhaus-Archiv Berlin, photo: Gunter Lepkowski © VG Bild-Kunst (Royalties Collection Society), Bonn
Marianne Brandt, Tea infuser (MT 49), 1924
Bauhaus-Archiv Berlin, photo: Gunter Lepkowski
© VG Bild-Kunst (Royalties Collection Society), Bonn

Josef Hartwig, Bauhaus chess set (Model VII), 1923/24 / Bauhaus-Archiv Berlin, photo: Fotostudio Bartsch © VG Bild-Kunst (Royalties Collection Society), Bonn
Josef Hartwig, Bauhaus chess set (Model VII), 1923/24
Bauhaus-Archiv Berlin, photo: Fotostudio Bartsch
© VG Bild-Kunst (Royalties Collection Society), Bonn

Marcel Breuer, Tubular steel armchair, design 1925-26 / Bauhaus-Archiv Berlin, Photo: Fotostudio Bartsch
Marcel Breuer, Tubular steel armchair, design 1925-26
Bauhaus-Archiv Berlin, Photo: Fotostudio Bartsch

Et je ne vous parle pas de la céramique, de la photographie, du textile, du théâtre ou de la typographie...

Bauhaus-Archiv Museum für Gestaltung, une adresse incontournable !

D'un Gropius à l'autre, direction le Martin-Gropius-Bau, bâtiment réalisé par le grand-oncle du fondateur du Bauhaus, pour une belle rétrospective sur Walter Evans.

Plus de 200 clichés nous emmènent dans l’œuvre d'une vie.
Connu pour son travail, durant les années 30, sur les métayers pauvres du sud des États-Unis, Evans n'est pas que le photographe de la misère.
Allie Mae Burroughs, Hale County, Alabama Walker Evans © Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art
Allie Mae Burroughs, Hale County, Alabama Walker Evans
© Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art

Plus méconnues (enfin de moi...), ses images de fleurs, de statues africaines et d'outils révèlent son amour des formes.
Gladiola, Darien, Connecticut Walker Evans © Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art
Gladiola, Darien, Connecticut Walker Evans
© Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art

Ancestral Figure, Head (Profile), Gabon Walker Evans © Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art
Ancestral Figure, Head (Profile), Gabon
© Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art

Crate Opener Walker Evans © Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art
Crate Opener Walker Evans
© Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art

Lors d'un voyage à Tahiti, la beauté des Polynésiens séduit le portraitiste.
South Seas: Male Portrait Walker Evans © Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art
South Seas: Male Portrait Walker Evans
© Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art

South Seas: Woman Wearing Sarong Walker Evans © Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art
South Seas: Woman Wearing Sarong Walker Evans
© Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art

Et il capture cette rencontre incongrue à Cuba.
Statue and Outdoor Faucet in Courtyard, Havana © Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art
Statue and Outdoor Faucet in Courtyard, Havana
© Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art

En sortant du Martin-Gropius-Bau, le visiteur a rendez-vous avec l'histoire.
Et quels rendez-vous !

Avec la guerre froide et ce tronçon du Mur qui borde la Niederkirchnerstraße.

Et derrière ce mur, sur les lieux mêmes ou se trouvaient les institutions centrales de terreur et de persécution du régime Nazi : les bureaux de la Gestapo et sa prison, la Direction des SS et le Bureau Principal de la Sécurité du Reich, le visiteur découvre la topographie de la Terreur (Topographie des Terrors) , comme se nomme ce remarquable lieu d'exposition.
Une plongée glaçante dans un système conçu méthodiquement pour éliminer d'abord l'ennemi intérieur, puis, après le déclenchement de la guerre, l'ennemi extérieur.
Les textes et les images ne cachent rien, depuis la mise en place en Allemagne dès la prise du pouvoir par Hitler, en passant par les actions durant le conflit mondial, dans les territoires occupés, pour finir avec les procès d'après guerre, peu nombreux finalement.
Un regard lucide de l’Allemagne sur son passé, une exposition à ne pas manquer.

Si l'Oeil Curieux dévore les évènements culturels, il est aussi avide de nourritures plus terrestres.
En exclusivité, voici donc le menu du 30 juillet 2014.
Diète Berlinoise

Les experts en gastronomie germanique auront reconnu une Bratwurst grillée avec sa Kartoffelsalat, arrosés, comme il se doit à Berlin, d'une Berliner Kindl Weisse mit Schuss (Bière blanche avec un trait de sirop d'aspérule).

Tschüss !



dimanche 23 juin 2013

Etat de sièges en Afrique

Il y a quelques années, alors que je découvrais les « 999 Objets Cultes » du Design dans la collection du même nom, je me demandais pourquoi le siège, sous ses formes les plus variées, semblait être un exercice incontournable pour tout designer qui souhaite réussir.
Design 999 Objets Cultes

Il aura fallu quelques années et une visite au Musée Dapper pour comprendre l'importance du siège pour l'humanité.

Petite application pratique avec la liste des sièges utilisés durant une journée typique (...et trépidante) de L'Oeil Curieux : chaise de salle à manger, fauteuil de bureau, chaise(s) de salle(s) de réunion, siège de voiture, fauteuil d'ordinateur personnel et, à ne pas oublier, le siège de toilette.

Après cette édifiante démonstration, revenons à l'exposition « Design en Afrique S'assoir, se coucher et rêver ».
À travers un dialogue fécond entre pièces traditionnelles et mobilier contemporain, la visite nous fait découvrir les objets fabriqués pour supporter le corps.

Il y en a pour toutes les occasions.

Pour trôner fièrement, comme un roi.
Daniel Lainé - Ngie Kamga Joseph Fon de Bandjun Cameroun
Daniel Lainé - Ngie Kamga Joseph Fon de Bandjun Cameroun

Pour se moquer des rois déchus.
Iviart Izamba (République démocratique du Congo) Fauteuil Mobutu, 2005, Musée royal de l'Afrique centrale, Tervuren © Photo Jo Van de Vyver, MRAC Tervuren
Iviart Izamba (République démocratique du Congo)
Fauteuil Mobutu, 2005,
Musée royal de l'Afrique centrale, Tervuren
© Photo Jo Van de Vyver, MRAC Tervuren

Pour se meubler à moindres frais, en utilisant avec talent des matériaux de récupération.
Nicolas Sawalo Cissé Chaise enfant, 1998, Contreplaqué de bouleau et boîtes métalliques de récupération, Musée d'art moderne de Saint-Etienne © Photo Yves Bresson / Musée d'art moderne Saint-Etienne Métropole
Nicolas Sawalo Cissé
Chaise enfant, 1998
Musée d'art moderne de Saint-Etienne
© Photo Yves Bresson / Musée d'art moderne Saint-Etienne Métropole

Pour s'assoir dans un fauteuil au design épuré.
Fauteuil Sie, Vincent Niamien (Côte d'Ivoire) © Archives musée Dapper et Dominique Cohas
Fauteuil Sie
Vincent Niamien (Côte d'Ivoire)
© Archives musée Dapper et Dominique Cohas

Pour s'allonger à même le sol, en soutenant confortablement sa tête.
Yaka, République DÉmocratique du Congo , Appuie-tête, Bois et pigments, H. : 14 cm, Ancienne collection de Tristan Tzara, Musée Dapper, Paris. Inv. n° 2014 © Archives Musée Dapper – Photo Hugues Dubois
Yaka, République DÉmocratique du Congo
Appuie-tête
© Archives Musée Dapper – Photo Hugues Dubois

Pour un dernier sommeil (le plus tard possible, pour l'ultime journée de l'Oeil Curieux!)
Senufo (Côte d'Ivoire) Lit funéraire, Collection particulière © Archives Musée Dapper et Dominique Cohas
Senufo (Côte d'Ivoire)
Lit funéraire
© Archives Musée Dapper et Dominique Cohas

D'autres meubles contemporains sont aussi exposés, comme une élégante bibliothèque reprenant le design traditionnel des masques Ngil ou un coloré et géométrique meuble de rangement.
Christian Ndong Menzamet et Antonio Pépin (Gabon) Bibliothèque ngil avec Tabouret, 1991, Centre national des arts plastiques / Fonds national d'art contemporain © D.R. / CNAP
Christian Ndong Menzamet et Antonio Pépin (Gabon)
Bibliothèque ngil avec Tabouret, 1991
Centre national des arts plastiques / Fonds national d'art contemporain © D.R. / CNAP

Ousmane Mbaye  Meuble dix portes  Tube en galva, couvercle de fût de pétrole, tôle en zinc et galvanisé.
Ousmane Mbaye
Meuble dix portes
Tube en galva, couvercle de fût de pétrole, tôle en zinc et galvanisé.

Ajoutez aux pièces présentées, quelques vidéos sur les designers africains d'aujourd'hui ou sur l'usage du siège par les Africains, vu à l'époque coloniale, et vous obtenez une exposition passionnante et riche.




jeudi 11 août 2011

Des formes...


Les formes sont d'abord capturées par Charlotte Perriand, photographe.
Elle, qui aimait "avoir l'oeil en éventail", photographie, avec une curiosité jamais rassasiée, les formes et textures de notre monde.
Aussi bien la géométrique structure d'une arête de poisson, que les cercles d'âge d'un robinier ou encore la silhouette aéronautique d'une vertèbre.

Arête de poisson, 1933, Charlotte Perriand
Arête de poisson, 1933, Charlotte Perriand

Bûche de robinier, forêt de Fontainebleau, 1933, Charlotte Perriand
Bûche de robinier, forêt de Fontainebleau
1933, Charlotte Perriand

Elle admire le volume d'un galet dans sa perfection minérale, elle savoure l'empilement cadencé de plaques de tôles.
Elle vénère la simplicité des formes, l'élégance de la création naturelle.

Vertèbre de poisson, 1933, Charlotte Perriand / Crédit : ©AChP_ADAGP 2011

Vertèbre de poisson, 1933, Charlotte Perriand
Crédit : ©AChP_ADAGP2011

Grès plage Normandie. Vers 1935, Charlotte Perriand
Grès plage Normandie. Vers 1935, Charlotte Perriand


Les formes sont ensuite créées par Charlotte Perriand, architecte.
Nourries de ces visions, ses créations consacrent la matière brute et la géométrie dépouillée.
Ne s'agit il pas de retrouver, à travers des objets manufacturés, un peu de cet "Art Brut", comme l'artiste appelle la création naturelle qui lui procure les galets, os et autres arbres qu'elle photographie ?

Une simple "tranche" de bois devient une table basse.

Table Basse, 1984.Collection Musée des Arts décoratifs,©Archives Charlotte Perriand/ADAGP, Paris 2011
Table Basse, 1984.Collection Musée des Arts décoratifs
©Archives Charlotte Perriand/ADAGP, Paris 2011

Une cage thoracique de tubes métalliques emprisonne des coussins, pour se métamorphoser en un confortable et cubique fauteuil.

Fauteuil LC2, 1928, Pierre Jeanneret, Le Corbusier, Charlotte Perriand
Fauteuil LC2, 1928
Pierre Jeanneret, Le Corbusier, Charlotte Perriand

Quand Charlotte Perriand associe à des planches de bois brut, de simples U en aluminium, elle conçoit une bibliothèque d'une grande sobriété.

Charlotte Perriand, Bibliothèque, 1956
Bibliothèque, 1956, Charlotte Perriand

Enfin, toujours avec le respect de la matière, une table se métamorphose en un élégant éventail

Table Eventail, 1972, Charlotte Perriand
Table Eventail, 1972, Charlotte Perriand


Cette passion des formes, le dialogue fécond entre la photographie et le design, l'exposition proposée par le Petit Palais, "Charlotte Perriand, 1903-1999, de la photographie au design" permet de découvrir et d'en apprécier toute la richesse.

Dans le Hall Jacqueau, les photographies et objets, regroupés en 4 thèmes - "Une démarche constructive", "L’objet trouvé dans la nature. L’art brut", "La montagne" et "L’arbre et la terre", éclairent le travail et la personnalité de cette femme engagée.

Son engagement social, sa volonté de proposer des réponses aux problèmes de son époque (comme la crise de 1929) sont matérialisés, en rez de jardin, par ses photomontages, abordant l'insalubrité de nombreux quartiers de Paris ou illustrant la politique agricole du Front Populaire.

La Grande Misère de Paris, 1936, Charlotte Perriand
La Grande Misère de Paris, 1936, Charlotte Perriand


Pavillon du ministère de l’Agriculture, 1937, Charlotte Perriand et Fernand Léger
Pavillon du ministère de l’Agriculture, 1937
Charlotte Perriand et Fernand Léger


Enfin, disséminées dans le rez de jardin et le rez de chaussée du Petit palais, d'autres créations de cette artiste majeure du 20e siècle entrent en résonnance avec les collections permanentes.



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