L'Oeil Curieux

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Tag - Gilles Caron

Fil des billets - Fil des commentaires

vendredi 29 juin 2018

Des icônes, une icône

Il est resté coincé dans l'espace-temps, l'Oeil curieux ?
Encore du Mai 68 alors que juin 2018 vit ces derniers jours ?

Ce n’est qu'un début, continuons les visites !
Voici ma réponse aux petits bourgeois réactionnaires, complices serviles du grand capital et autres laquais de l'impérialisme yankee.

Plus sérieusement, deux expositions, très différentes dans la forme et le propos, nous offrent la possibilité de regarder Mai 68 autrement.

Après votre visite à la BNF, vous ne regarderez plus jamais quelques-unes des images les plus emblématiques de mai 68 de la même façon.

Par exemple, le célèbre portrait de Cohn-Bendit  par Gilles Caron est tellement présent dans mon esprit que lors de ma visite aux Beaux Arts, j'ai d'abord pensé que l'affiche "Nous sommes tous des indésirables" avait été faite d'après le cliché de Caron.







Alors qu'il s'agit d'une photographie de Jacques Haillot, prise très probablement le même jour.

Daniel Cohn-Bendit face à un CRS. Photo : Jacques Haillot
Cohn-Bendit face à un CRS. Photo : Jacques Haillot

Mais, a posteriori, le portrait par Caron est devenu LE portrait symbolique, et l'exposition vous permettra de bien comprendre ce phénomène.

Très pertinente, elle vous révélera aussi pourquoi Mai 68 est vu le plus souvent en Noir & Blanc, alors que la couleur était déjà couramment utilisée dans les grands magazines d’information et pourquoi la première « nuit des barricades » (du 10 au 11 mai) n'est pas illustrée par une image symbolique.
Elle est aussi une bonne occasion de revoir ou de découvrir plein d'images de mai 68 et pour un aficionado du photojournalisme, c'est un vrai régal, avec beaucoup de Gilles Caron.
Gilles Caron Etudiant pourchassé par un CRS, rue du Vieux Colombier, Paris, nuit du 6 mai 68
Gilles Caron
Etudiant pourchassé par un CRS, rue du Vieux Colombier, Paris, nuit du 6 mai 68
© Gilles Caron / Fondation Gilles Caron
Crédit photographique : © Philippe Migeat - Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP
© SAIF

Et pour assouvir la Caronite aiguë, mal dont je suis personnellement affecté depuis plus d'une quarantaine d'années, il y a l'exposition à l’hôtel de ville de Paris.
100 % Caron, elle couvre une année de travail du photographe, l'année 68.
Il y a beaucoup d'images moins connues de sa couverture des évènements de mai, mais aussi ses travaux à l'international et une très belle série de portraits du général de Gaulle.
Une excellente façon d'assouvir une addiction photographique.



dimanche 14 septembre 2014

Rencontre du deuxième type

Le premier type, rencontré au Centre Pompidou au mois de juin, s'appelle Henri Cartier Bresson.
Une exposition magnifique, qui a attiré 425 000 visiteurs, et pour laquelle, il n'y pas eu de billet.
Comme souvent, ma visite a été tardive, une semaine avant la fermeture et le temps m'a manqué pour écrire.
Pourtant Cartier Bresson est un des deux photographes qui m'ont donné envie de photographier.
Un maître inatteignable, un peu austère et intimidant par la perfection de ses images.

Le second type, le second photographe à l'origine de ma pratique, s'appelle Gilles Caron.
Je viens de le rencontrer, une nouvelle fois, au Château de Tours.
Une nouvelle fois, parce que la première remonte à bien longtemps, dans le numéro spécial « Mai 68 », paru en 1978.
Photo Special Mai 68

Gilles Caron, pour le jeune photographe amateur que j'étais, représentait l'archétype du photojournaliste, un Capa moderne, toujours proche de l'action pour réaliser des photographies qu'il n'est pas possible d'oublier.

Quand j'ai « couvert » ma première grosse manifestation, la marche des sidérurgistes du 23 mars 1979, je marchais certainement dans l'ombre de Caron.



Les années ont passé.
Pas ma passion pour Gilles Caron.

J'avais préparé ces retrouvailles en lisant le catalogue, écrit par Michel Poivert.
Michel Poivert - Gilles Caron Le conflit intérieur

Le commissaire de l'exposition,d'abord présentée au Musée de l’Élysée, à Lausanne, nous propose de découvrir le jeune homme et le photographe.
Pas de chronologie, mais plusieurs thèmes permettant de mieux embrasser une fulgurante carrière, cinq années qui marquent l'histoire du photojournalisme.

« Héroïsme », « Douleur des autres », « Conscience malheureuse », « Le regard intérieur », « Mouvements de révolte », « Nouvelle vague » et « Le reportage mis en abyme » sont autant de facettes qui révèlent l'homme à travers son œuvre.

Pour le billet, je me suis fait violence.
Ni mai 68, ni guerre du Vietnam, pourtant deux sujets qui me fascinent et deux des plus emblématiques couvertures de l'actualité par Gilles Caron.

J'ai suivi Michel Poivert dans sa révélation de la figure du lanceur :

La figure du lanceur s’impose au fur et à mesure des reportages : David contre Goliath, civil contre militaire, jeunesse contre autorité, tout dans le lanceur témoigne de la nature de la guérilla urbaine.

Gilles Caron Manifestations, Londonderry, Irlande du Nord, août 1969
Gilles Caron Manifestations, Londonderry, Irlande du Nord, août 1969

Gilles Caron Manifestations, Londonderry, Irlande du Nord, août 1969 Tirage moderne d'après négatif original Collection Fondation Gilles Caron
Gilles Caron Manifestations, Londonderry, Irlande du Nord, août 1969

Gilles Caron, Lanceur de pavés. Rue Saint-Jacques. Paris. 6 mai 1968
Gilles Caron, Lanceur de pavés. Rue Saint-Jacques. Paris. 6 mai 1968

Un peu de légèreté dans un monde de brutes.

La dernière image retenue en appelle une autre.
Gilles Caron, Guerre du Biafra, Raymond Depardon filmant un enfant à l’agonie, juillet 1968 © Fondation Gilles Caron-Contact Press Images
Gilles Caron, Guerre du Biafra, Raymond Depardon filmant un enfant à l’agonie, juillet 1968
© Fondation Gilles Caron-Contact Press Images

C'est la conscience malheureuse du photographe.

Je ne peux m’empêcher de penser à une autre image, tout aussi forte.
En mars 1993, le village d’Ayod (Soudan) est dévasté par la famine.
En mars 1993, le village d’Ayod (Soudan) est dévasté par la famine.
© Kevin Carter/Sygma/Corbis/Kevin Carter

Avec ce charognard derrière un enfant rachitique, Kevin Carter a obtenu le prix Pulitzer.

Le photojournaliste est-il un charognard ?
Pour Caron et Carter, je ne le pense pas.
Le témoignage photographique est indispensable.

Pourtant, à l'époque, son image a été reprochée à Carter.
À 33 ans, le photographe s'est suicidé, certainement plus hanté par toutes les horreurs vues durant ses reportages que par ces attaques, finalement infondées (lire les articles de Rue89 et du Monde).

Le 4 avril 1970, Gilles Caron disparaissait au Cambodge, sur la route n°1 qui relie Phnom Penh à Saigon.

GILLES CARON LE CONFLIT INTERIEUR Trailer from Naïa Productions on Vimeo.



Pour mieux connaître Gilles Caron, je vous recommande aussi la lecture de ses lettres d'Algérie, échangées avec sa mère durant 28 mois de service militaire.
Gilles Caron - J'ai voulu voir Lettres d'Algérie


dimanche 16 décembre 2012

Mes 10 pour cent de chefs d'oeuvre

Intéressante idée de choisir dans le fonds de la BNF, parmi les millions de clichés conservés, une centaine d'images et de les présenter, non pas chronologiquement, mais en un assemblage où les photographies se valorisent mutuellement.

Ainsi le visiteur découvre les multiples facettes de cet art encore jeune, un temps en concurrence avec la peinture.
Tous les genres et toutes les époques sont présents, les grands noms de la photographie aussi et d'autres moins connus.

Pour prendre le contrepied de la BNF, l'Oeil Curieux a pris son pourcentage sur l'exposition et propose donc 10 images, mais classées par date.
La présence de chacune d'entre elles pour ce billet est (plus ou moins) justifiée par une raison qui tient à mon histoire de la photographie, qui a commencé, avec l'argentique, bien avant le blog de l'Oeil Curieux.

Sur cette splendide marine de Gustave le Gray plane l'ombre tutélaire de la peinture.
Cadrage et sujet sont révélateurs du début d'un art, la photographie, pratiqué par des artistes souvent formés à la peinture ou au dessin.
Mais quelle perfection dans cette vague brisée.
Gustave Le gray La Vague brisée. 1857. Mer Méditerranée. N°15.
Gustave Le Gray
La Vague brisée. 1857. Mer Méditerranée. N°15.

La nature morte est encore un legs de la peinture, magnifiquement illustré par cette étude de Charles Hippolyte Aubry.
Comme je ne pratique pas le studio, la nature morte me reste assez étrangère, mais je suis sensible aux textures et aux couleurs de ce type de photographie, toujours vivant avec Paulette Tavormina.
Charles Aubry Groupe de différents lierres 1864
Charles Aubry
Groupe de différents lierres 1864

Avec Albert Renger-Patzsch, la photographie bascule dans l'ère moderne, avec l'industrie et la ville.
Je me retrouve dans ces sujets fortement géométriques, dans cette façon de faire apparaitre la beauté dans la simplicité des formes.
Albert Renger-Patzsch Cheminées d'usine. Ruhr. 1929
Albert Renger-Patzsch
Cheminées d'usine. Ruhr. 1929

Je ne pratique pas le nu, contrairement à František Drtikol, ni les surimpressions.
Je ne connaissais pas ce photographe tchèque, qui visiblement aimait le corps des femmes et sa représentation de la mère Nature n'est pas sans rappeler l'origine du monde de Courbet.
František Drtikol Mother Earth 1931
František Drtikol
Mother Earth 1931

Avec « les courbés » de Manuel Álvarez Bravo, la photographie se révèle un formidable médium pour révéler l'ironie ou le surréalisme de simples situations de la vie quotidienne.
Partir dans la rue, avec son appareil, et regarder, l'essence même de ma pratique photographique, avec parfois de surprenantes rencontres.
Los agachados (Les Courbés) 1934 Manuel Álvarez Bravo © Colette Urbajtel / Archivo Manuel Álvarez Bravo, s.c.
Manuel Álvarez Bravo
Los agachados (Les Courbés) 1934
© Colette Urbajtel / Archivo Manuel Álvarez Bravo, s.c.

La « Tête Aztèque » de Brassaï (ou « Le Roi Soleil », comme je l'ai aussi trouvé en faisant mes recherches pour ce billet) est la cousine de mes clichés de Street Art.
L'acte photographique permet de sauver d'une disparition inéluctable des oeuvres éphémères par nature.
BrassaÏ Graffitti La Magie Tête Aztèque 1952
BrassaÏ
Graffitti La Magie Tête Aztèque 1952

Encore la rue, autant de rencontres sans passé, ni avenir, comme les affectionnait Gary Winogrand.
Lui aussi aimait les femmes, et il les photographiait sans se lasser au gré des hasards de ses promenades.
Garry Winogrand, USA Californie, 1964
Garry Winogrand
USA Californie, 1964

Évidemment, si je devais descendre mon pourcentage à 1 pour cent, je ne conserverais que cette photographie de Gilles Caron.
Mon éblouissement date de 1978, quand le magazine « Photo » a publié un numéro spécial « Mai 68 », avec bien sur, des images de Caron.
Gilles Caron est l'archétype du photographe de guerre, auquel je devais un peu m'identifier (avec moins de risques) quand j'allais photographier les manifestations dans Paris, à la fin des années 70.
Gilles Caron Rue des Feuillantines. Paris. Mai 1968 © Fondation Gilles Caron
Gilles Caron
Rue des Feuillantines. Paris. Mai 1968
© Fondation Gilles Caron

Il fallait au moins une photographie en couleurs dans ma sélection, mais l'usage de la couleur est relativement récent dans la photographie, même si des procédés industriels ont existé dès le début du XXe siècle, comme les autochromes.
Je n'ai donc pas eu un choix très étendu parmi la centaine d'images proposées par la BNF.
J'aime aussi la mise en abime, le cadre dans le cadre de la photographie de Ghirri, que j'ai découvert à cette occasion.
Luigi Ghirri 1971
Luigi Ghirri 1971

Pour terminer, mais aussi renvoyer au commencement de ce billet, le beau paysage de Pierre de Fenoyl, avec son élégant cadrage, illustre l'utilisation de la photographie pour recenser le patrimoine de notre pays.
La mission photographique de la DATAR, pour laquelle ce cliché fut réalisé, est la version moderne de la Mission héliographique de 1851, à laquelle a participé Gustave le Gray, auteur de la marine en introduction de ce billet.
Pierre de Fenoyl Castelnau de Montmiral, Tarn, 1985-1987, Datar
Pierre de Fenoyl
Castelnau de Montmiral, Tarn, 1985-1987, Datar

Un des premiers livres de photographie accueillis dans ma bibliothèque est justement « La mission héliographique  Photographies de 1851», acheté au Musée d'Angoulême.

Comme quoi, tout doit être écrit à l'avance (sauf mes billets...)


- page 1 de 2