L'Oeil Curieux

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Tag - Raymond Depardon

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lundi 16 avril 2018

Inventaire de printemps

J'aurais aimé intituler mon billet « la photographie française que j'aime existe…  
je l’ai rencontrée à la MEP ».
Cela était un peu long et Jean-Luc Monterosso, qui est à l'origine de l'exposition, aurait pu m'accuser de plagiat éhonté.
Toujours est-il que son choix de photographes français m'offre à mon tour l'occasion d'en choisir une poignée pour ce billet.
C'est subjectif, partial et partiel et je le revendique comme tel.

Pour une première rencontre avec Bernard Faucon, ses étendoirs m'ont ébloui, dans un magnifique tirage Fresson.
Bernard Faucon, Evolution probable du temps, les étendoirs
Bernard Faucon, Série « Évolution probable du temps », les étendoirs
© Bernard Faucon


Monsieur Depardon, je n'arrête pas de le découvrir et je trouve vraiment intéressant ce dialogue entre ses chroniques new-yorkaises , en noir et blanc en 1981 et devenues en couleurs ces derniers temps.
De l'image de 2017, je goûte le contraste entre un Brooklyn populaire, avec ses boutiques aux devantures colorées et le « skyline » de Manhattan, symbole d'opulence.
Raymond Depardon, Correspondance new-yorkaise 2017
Raymond Depardon, Correspondance new-yorkaise N°8/9. 9 mai, 8h, Brooklyn.2017

De 1981, j'apprécie le Guggenheim, décor de rêve pour un baiser volé.
Raymond Depardon, Correspondance new-yorkaise 1981
Raymond Depardon, Correspondance new-yorkaise 1981
© Raymond Depardon/Magnum Photos

Pour l'admirateur des photographes de guerre que je suis, Sophie Ristelhueber et Raphaël Dallaporta en sont des espèces un peu particulières, archéologue pour l'une et encyclopédiste pour l'autre.

Ici les traces laissées dans le paysage d'Irak, comme des cicatrices.
Sophie Ristelhueber, Fait #20, 1992
Sophie Ristelhueber, Fait #20, 1992

Là, dans une présentation clinique, des mines antipersonnel, paisibles et terribles.
Raphaël Dallaporta, Antipersonnel
Raphaël Dallaporta, Antipersonnel

Quant à Jean Gaumy, autre découverte, il peint une marine zébrée de pluie absolument sublime.
Jean Gaumy, On board the Spanish trawler "Rowanlea". North Atlantic. 1998.
Jean Gaumy, On board the Spanish trawler "Rowanlea". North Atlantic. 1998.
© Jean Gaumy/Magnum Photos

Pour terminer, si je ne suis vraiment pas amateur des paparazzi et de leurs clichés volés, Bruno Mouron et Pascal Rostain renouvellent ce genre trash avec brio grâce à leurs présentations quasi scientifiques des détritus des vedettes traquées par la presse people.
Madonna, 1996 © Bruno Mouron et Pascal Rostain
Madonna, 1996 © Bruno Mouron et Pascal Rostain


dimanche 22 octobre 2017

Sous le signe du Noir et Blanc

Raymond Depardon est un peu mon photographe méconnu.
Je ne suis pas certain que son nom sortirait parmi les premiers si j'étais interrogé sur mes photographes favoris.
Pourtant j'avais été enthousiasmé par ses clichés en couleur au Grand Palais, j'ai écrit un petit billet sur son livre « J.O. » durant les J.O. De Londres et dans ma bibliothèque trône avec majesté « La France de Raymond Depardon », imposant souvenir de l'exposition éponyme à la BNF en 2010.

Alors, la visite du samedi, impasse Lebouis, a été l'occasion de belles retrouvailles grâce à un excellent panorama de ses travaux, articulé suivant 4 axe, la terre natale, le voyage, la douleur et l’enfermement.
Si mon choix pour ce billet est restreint au thème du voyage, il ne faut y voir que le reflet d'une humeur vagabonde et légère durant la sélection des images et non un manque d’intérêt pour les autres thèmes, plus austères, voire tristes.

Sur un petit air de charade, les images du jour.

Ma première est picturale à souhait, une sorte de lumière-forte gravée par un artiste qui maîtrise la morsure des photons
Raymond Depardon A group walking across the land of Tigui. Borkou, Chad. 1979. © Raymond Depardon
Raymond Depardon A group walking across the land of Tigui. Borkou, Chad. 1979.
© Raymond Depardon | Magnum Photos

Ma seconde est un polyptyque de reflets comme je les aime
Raymond Depardon Window onto seafront. Alexandria, Egypt. 1995. © Raymond Depardon
Raymond Depardon Window onto seafront. Alexandria, Egypt. 1995.
© Raymond Depardon | Magnum Photos

Ma troisième capture une situation délicieusement décalée
Raymond Depardon White Sand, 1982 © Raymond Depardon / Magnum Photos
Raymond Depardon White Sand, 1982
© Raymond Depardon / Magnum Photos

Ma quatrième est la dérisoire tentative de la couleur qui n'arrive pas à chasser la grisaille de la vie
Raymond Depardon Glasgow, Écosse, 1980 © Raymond Depardon / Magnum Photos
Raymond Depardon Glasgow, Écosse, 1980
© Raymond Depardon / Magnum Photos

Et mon tout est l'oeuvre d'un grand monsieur.

Mais ce n'est pas une révélation, car on ne devient pas membre de Magnum par hasard.


Pour l'Oeil Curieux aux semelles de vent, un quart d'heure suffit pour aller de l'impasse Lebouis au bd Raspail (par la Rue Froidevaux, paradoxal patronyme pour un lieutenant-colonel des sapeurs-pompiers mort lors d’un immense incendie dans une fabrique d’ustensiles de ménage), pour découvrir ce qui s'expose à la Galerie Camera Obscura.

Judicieuse expédition, récompensée avec les oiseaux de Masao Yamamoto, qui tiennent conciliabule ou esquissent un pas de deux dans la lumière brûlée de délicates images.
Masao Yamamoto
Masao Yamamoto

Masao Yamamoto
Masao Yamamoto

Masao Yamamoto
Masao Yamamoto

Masao Yamamoto
Masao Yamamoto


dimanche 14 septembre 2014

Rencontre du deuxième type

Le premier type, rencontré au Centre Pompidou au mois de juin, s'appelle Henri Cartier Bresson.
Une exposition magnifique, qui a attiré 425 000 visiteurs, et pour laquelle, il n'y pas eu de billet.
Comme souvent, ma visite a été tardive, une semaine avant la fermeture et le temps m'a manqué pour écrire.
Pourtant Cartier Bresson est un des deux photographes qui m'ont donné envie de photographier.
Un maître inatteignable, un peu austère et intimidant par la perfection de ses images.

Le second type, le second photographe à l'origine de ma pratique, s'appelle Gilles Caron.
Je viens de le rencontrer, une nouvelle fois, au Château de Tours.
Une nouvelle fois, parce que la première remonte à bien longtemps, dans le numéro spécial « Mai 68 », paru en 1978.
Photo Special Mai 68

Gilles Caron, pour le jeune photographe amateur que j'étais, représentait l'archétype du photojournaliste, un Capa moderne, toujours proche de l'action pour réaliser des photographies qu'il n'est pas possible d'oublier.

Quand j'ai « couvert » ma première grosse manifestation, la marche des sidérurgistes du 23 mars 1979, je marchais certainement dans l'ombre de Caron.



Les années ont passé.
Pas ma passion pour Gilles Caron.

J'avais préparé ces retrouvailles en lisant le catalogue, écrit par Michel Poivert.
Michel Poivert - Gilles Caron Le conflit intérieur

Le commissaire de l'exposition,d'abord présentée au Musée de l’Élysée, à Lausanne, nous propose de découvrir le jeune homme et le photographe.
Pas de chronologie, mais plusieurs thèmes permettant de mieux embrasser une fulgurante carrière, cinq années qui marquent l'histoire du photojournalisme.

« Héroïsme », « Douleur des autres », « Conscience malheureuse », « Le regard intérieur », « Mouvements de révolte », « Nouvelle vague » et « Le reportage mis en abyme » sont autant de facettes qui révèlent l'homme à travers son œuvre.

Pour le billet, je me suis fait violence.
Ni mai 68, ni guerre du Vietnam, pourtant deux sujets qui me fascinent et deux des plus emblématiques couvertures de l'actualité par Gilles Caron.

J'ai suivi Michel Poivert dans sa révélation de la figure du lanceur :

La figure du lanceur s’impose au fur et à mesure des reportages : David contre Goliath, civil contre militaire, jeunesse contre autorité, tout dans le lanceur témoigne de la nature de la guérilla urbaine.

Gilles Caron Manifestations, Londonderry, Irlande du Nord, août 1969
Gilles Caron Manifestations, Londonderry, Irlande du Nord, août 1969

Gilles Caron Manifestations, Londonderry, Irlande du Nord, août 1969 Tirage moderne d'après négatif original Collection Fondation Gilles Caron
Gilles Caron Manifestations, Londonderry, Irlande du Nord, août 1969

Gilles Caron, Lanceur de pavés. Rue Saint-Jacques. Paris. 6 mai 1968
Gilles Caron, Lanceur de pavés. Rue Saint-Jacques. Paris. 6 mai 1968

Un peu de légèreté dans un monde de brutes.

La dernière image retenue en appelle une autre.
Gilles Caron, Guerre du Biafra, Raymond Depardon filmant un enfant à l’agonie, juillet 1968 © Fondation Gilles Caron-Contact Press Images
Gilles Caron, Guerre du Biafra, Raymond Depardon filmant un enfant à l’agonie, juillet 1968
© Fondation Gilles Caron-Contact Press Images

C'est la conscience malheureuse du photographe.

Je ne peux m’empêcher de penser à une autre image, tout aussi forte.
En mars 1993, le village d’Ayod (Soudan) est dévasté par la famine.
En mars 1993, le village d’Ayod (Soudan) est dévasté par la famine.
© Kevin Carter/Sygma/Corbis/Kevin Carter

Avec ce charognard derrière un enfant rachitique, Kevin Carter a obtenu le prix Pulitzer.

Le photojournaliste est-il un charognard ?
Pour Caron et Carter, je ne le pense pas.
Le témoignage photographique est indispensable.

Pourtant, à l'époque, son image a été reprochée à Carter.
À 33 ans, le photographe s'est suicidé, certainement plus hanté par toutes les horreurs vues durant ses reportages que par ces attaques, finalement infondées (lire les articles de Rue89 et du Monde).

Le 4 avril 1970, Gilles Caron disparaissait au Cambodge, sur la route n°1 qui relie Phnom Penh à Saigon.

GILLES CARON LE CONFLIT INTERIEUR Trailer from Naïa Productions on Vimeo.



Pour mieux connaître Gilles Caron, je vous recommande aussi la lecture de ses lettres d'Algérie, échangées avec sa mère durant 28 mois de service militaire.
Gilles Caron - J'ai voulu voir Lettres d'Algérie


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