L'Oeil Curieux

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dimanche 26 mars 2017

Un compagnon de table pour le Gourmet Solitaire

Takeshi ne pouvait que me séduire.
Jeune retraité japonais, il explore avec gourmandise sa nouvelle liberté d'ex-salarié et s'adonne avec délice aux plaisirs épicuriens de la chère.

Toute ressemblance avec le Gourmet Solitaire de Taniguchi n'est pas fortuite, puisque Masayuki Kusumi, scénariste de Taniguchi pour les aventures gastronomiques du représentant gourmand, n'est autre que l'auteur du roman «Nobushi no Gourmet», d'abord adapté en manga, puis maintenant à l'écran sous le titre «Samurai Gourmet», sur Netflix.

nobushi no gourmet

nobushi no gourmet

Si la nourriture ne tient pas une place aussi centrale que dans le Gourmet Solitaire, elle reste un élément de chacun des épisodes de cette mini série attachante (voire très attachante pour le passionné du Japon, de la nourriture et salarié plutôt dans la tranche d'âge du héros, que je suis).
Le coté très japonisant est accentué par la « conscience » du héros, un jeune samouraï sans maître, libre et irrévérencieux, qui surgit du passé pour donner force et courage à Takeshi dans les situations délicates.
Gentiment moralisatrice, célébrant les plaisirs simples de la vie, la série se regarde avec plaisir et distille un agréable sentiment de quiétude.

Mais attention, elle peut aussi aiguiser l’appétit durant ou après sa vision.



Nota  : Un samouraï comme conscience  : Pinocchio et son criquet de Jiminy ne jouent pas dans la même catégorie...

Post-Scriptum
Le Gourmet Solitaire a aussi été adapté à l'écran sous le titre «Kodoku no Gurume».

L’adaptation est plutôt réussie, et le petit plus de la série, est qu'à la fin de chaque épisode, Masayuki Kusumi, le scénariste, va dans l'établissement où se déroulait l'action et déguste des plats « dans la vraie vie ».



Post Post-Scriptum
Toujours sur Netflix, la chaîne qui décidément fait saliver, je vous recommande aussi «Midnight Diner : Tokyo Stories», série se déroulant dans une gargote tokyoïte et dans laquelle, autour de plats préparés avec amour par le chef, se déroulent les petites histoires de la vie.



samedi 25 mars 2017

Je suis kimonomaniaque mais je me soigne

Je le sais bien, Docteur, ma précédente crise ne date que du mois de décembre, à la Maison de la Culture du Japon à Paris.

Mais comment voulez-vous que je résiste ?
Des kimonos de la collection de la célèbre maison Matsuzakaya, fondée en 1611, sont visibles au Musée Guimet.
Alors, j'ai senti monter en moi une pulsion sourde, un appel lancinant qui m’enjoignait de me rendre place d'Iena.
J'ai lutté, lutté pendant plusieurs jours.
Mais quand j'ai appris que les modèles exposés depuis l'ouverture de l'exposition seraient remplacés début avril, je me suis effondré moralement.

Je me suis précipité et je les ai vus, dans la lumière douce du sous-sol du Musée.


Des hirondelles griffaient le ciel au-dessus des œillets en fleur.

Katabira à motifs de haies sèches, oeillets et hirondelles teinture à réserve et broderies sur un fond en lin gris foncé, seconde moitié du XVIIIe-première moitié du XIXe siècle, Collection Matsuzakaya.
Katabira à motifs de haies sèches, oeillets et hirondelles
Seconde moitié du XVIIIe-première moitié du XIXe siècle, Collection Matsuzakaya.
Crédits : J. Front Retailing Archives Foundation Inc./Nagoya City Museum

Les grappes de glycine ruisselaient.

Kosode à motifs de treilles de glycine, vagues et feuilles de chanvre teinture en kanoko shibori sur un fond en crêpe de soie chirimen rouge, seconde moitié du XVIIe siècle, Collection Matsuzakaya.
Kosode à motifs de treilles de glycine, vagues et feuilles de chanvre
Seconde moitié du XVIIe siècle, Collection Matsuzakaya.
Crédits : J. Front Retailing Archives Foundation Inc./Nagoya City Museum

J'ai même entendu le murmure de cascades.

Kosode à motifs de cascades et éventails teinture à réserve sur fond en crêpe de soie chirimen bleu, seconde moitié du XVIIIe siècle, Collection Matsuzakaya. Crédits : J. Front Retailing Archives Foundation Inc./Nagoya City Museum
Kosode à motifs de cascades et éventails
Seconde moitié du XVIIIe siècle, Collection Matsuzakaya.
Crédits : J. Front Retailing Archives Foundation Inc./Nagoya City Museum


Docteur, je sais que chaque kimono est un passage vers un ailleurs.
Je retournerai au Musée pour voir les autres kimonos avant la fin de l'exposition.
Un jour, j'arriverai à m'enfuir de l'autre côté.

Paravent à six panneaux représentant des kimonos suspendus (tagasode) (paravent droit) couleurs sur papier, première moitié du XIXe siècle, Collection Matsuzakaya. Crédits : J. Front Retailing Archives Foundation Inc./Nagoya City Museum
Paravent à six panneaux représentant des kimonos suspendus (tagasode) (paravent droit) couleurs sur papier
Première moitié du XIXe siècle, Collection Matsuzakaya.
Crédits : J. Front Retailing Archives Foundation Inc./Nagoya City Museum


dimanche 4 décembre 2016

Quelques jolies "choses à porter"

Il y aura eu un parfum de France dans les deux expositions visitées en 2016 à la Maison de la Culture du Japon à Paris (voir le billet sur Paul Jacoulet).

Kunihiko Moriguchi a résidé en France dans les années 60, élève de l’École nationale des arts décoratifs et ami avec le critique Gaëtan Picon et le peintre Balthus.
Il parle d’ailleurs encore français et semble apprécier les vins français, comme vous pourrez le voir dans le documentaire « Trésor vivant » qui lui est consacré par Marc Petitjean.

Voici pour la touche française, parce tout le reste est profondément nippon.
Comme son père, Kakō Moriguchi en 1967, Kunihiko Moriguchi a été désigné « trésor national » en 2007.
Un trésor national est un « conservateur des biens culturels immatériels importants », une personne reconnue par le gouvernement japonais comme détentrice d'un savoir qu'il est important de perpétuer.
C'est l’expression de cette continuité de la culture japonaise, qui chérit le passé et les traditions, sans pour autant rejeter le présent et la modernité.

Kunihiko Moriguchi est donc un maître reconnu, un maître du yûzen, la teinture des tissus.
Il réalise d'étonnants kimonos, dont la forme reste immuable, mais avec des motifs très géométriques, rigoureusement et scientifiquement dessinés.

Comme dans de nombreux arts au Pays du Soleil Levant, la nature, les éléments et les saisons sont des sources d'inspiration et les kimonos se nomment ainsi « Mûrissement » ou « Pureté du Matin ».

Kunihiko Moriguchi Première neige, 1986, Hiroshima Prefectural Art Museum
Kunihiko Moriguchi, Première neige, 1986
Hiroshima Prefectural Art Museum

Kunihiko Moriguchi Sable en dérive, 1984, Pièce en dépôt au National Museum of Modern Art, Tokyo
Kunihiko Moriguchi, Sable en dérive, 1984
Pièce en dépôt au National Museum of Modern Art, Tokyo

Kunihiko Moriguchi Aube, 1974, Collection particulière
Kunihiko Moriguchi, Aube, 1974
Collection particulière

Kunihiko Moriguchi Ecailles, 2012, Agence nationale japonaise des affaires culturelles
Kunihiko Moriguchi, Ecailles, 2012
Agence nationale japonaise des affaires culturelles

Le documentaire « Trésor vivant » complète à merveille l'exposition.
On y découvre le travail de Kunihiko Moriguchi, sa recherche de la perfection, les gestes répétés à l'infini d'un artisanat élevé au rang d'art, mais aussi sa vie quotidienne, chez lui, dans une rue modeste de Kyoto, avec le marchand ambulant de tofu, qui fait du porte à porte, comme cela se fait probablement depuis longtemps.

TRESOR VIVANT from Marc Petitjean on Vimeo.



Kimono (« vêtement »), du japonais 着物, de 着る (« porter sur soi ») et 物 (« chose »), littéralement « chose que l'on porte sur soi ».


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